enfant
Notre vie, pavée d’imprévu.
Notre vie, pavée d’embûches.
À l’ombre du grand cerisier, dans notre cocon de verdure. Nous sommes autour de la table rouge. Elle se délite un peu, il faudra songer à la remplacer. As-tu remarqué ? Ces taches de gras. Hier la table n’a pas été nettoyée. Il faut dire qu’il faisait sombre, il était minuit du soir, et la lune se dissimulait derrière des grappes de cumulus.
Sur le côté des verres, du cristal si fin de Baccarat, la buée ruisselle un peu. Et les fines bulles escaladant le liquide ambré.
Malgré l’imprévu.
Malgré les embûches.
Il faudra finir la bouteille. Parce que le bouchon a jailli par-dessus le mur. A-t-il atterri dans le jardin du voisin. A-t-il au passage dégommé une pêche mûre ? Je t’ai vue : tu as haussé les épaules. Et puis aux autres, tu as dit c’est toujours pareil, il faut qu’il s’amuse ! Et je me suis senti comme un gosse, peut-être y avait-il dans tes mots comme un peu d’indulgence. Cesse-t-on un jour d’être un enfant ? Vraiment ?
Il n’y a plus de bouchon, alors tendez vos flutes, les amis. Oui, je sais, la cuiller dans le goulot, ou les mécanismes sophistiqués qu’on reçoit en cadeau et dont on ne sait quoi faire. Mais quoi. Le champagne est fait pour titiller les papilles. Alors buvons.
On se raconte des histoires à dormir debout. Parfois on y croit à peine. Et pourtant. Pourquoi s’ingénierait-on à inventer quand la réalité est si riche en anecdotes. Et on rit à gorge déployée, et on s’en raconte encore de plus belles tandis que le champagne excite nos palais étonnés.
Notre vie est pavée d’imprévu.
Notre vie est pavée d’embûches ? Qu’importe puisqu’elle est vie et qu’ainsi elle nous est aimable. Qu’importe puisque le champagne pétillera encore.
À moins qu’un jour on cesse définitivement de se sentir enfant.