montgolfière
Nous nous étions détachés. Nous voguions en plein ciel.
Il me suffisait de fermer les yeux.
Et je m’envolais haut, mais haut, parmi les nuées assagies.
Alors me revenait ce vieux désir d’une balade en ballon. Je me disais qu’il me restait encore ça à vivre. Entre autres. Entre beaucoup d’autres, même. Glisser au petit matin dans le grand silence, et voir rougir l’aurore, et m’émerveiller de tout. Survoler la Sologne ou les étangs de Brenne. Ou encore ces suites infinies de pavillons qu’on imagine, peut-être à tort, sans charme. Mais la banlieue, si peu qu’elle ne soit pas trop éloignée de la grande ville, a ses secrets et ses trésors cachés, chacun le sait.
Nous nous étions détachés. Pas l’un de l’autre, non. Au contraire il me semble que nous nous donnions la main. Mais allongés côte à côte sur notre matelas transformé pour l’occasion en vaisseau, nous voguions en plein ciel.
J’avais eu l’idée, après un après-midi passé à esquiver des averses du côté de la rue des Martyrs, d’ouvrir en grand la fenêtre de la chambre sur un azur enfin redevenu ensoleillé. J’étais allongé. Mon corps oubliait peu à peu la fatigue de la marche dans les rues. Mon esprit faisait le vide. J’étais seul. Avec toi. C’est le paradoxe de tels instants. Mon regard s’enfuyait à travers la fenêtre. Je devinais à peine, au niveau de la balustrade, le haut des toits les plus proches, et à part ce détail, le ciel. Rien que le ciel, fait de bleu et de quelques nuages vagabonds. Alors la chambre devenait nacelle, il me semblait même voir remuer notre enveloppe peinte en vert pale.
J’ai serré ta main. J’ai souhaité intensément que tu ressentes la même chose que moi. Peut-être en parlerions nous, plus tard, oui, c’est cela : il faudra que je te dise. Sais-tu que notre chambre est une montgolfière ?