lingerie
D’un pas assuré j’ai poussé la porte vitrée.
A l’intérieur, cette odeur indéfinissable. Le linge neuf ?
Pourquoi mon pas n’aurait-il pas été assuré ?
Mais la lingerie. Tout de même.
Nous avons nos quartiers dans cette lingerie, certes. Mais je n’y vais jamais seul.
Tu essaies les slips et les soutient-gorges. Ou des nuisettes. Ou des caracos avec des petites bretelles, si tu sortais dehors sans rien d’autre sur toi, ces bretelles, on croirait des drisses qui claquent au vent.
Du sobre. Tu veux du sobre. Pas de dentelles. Ou juste une bribe invisible. C’est dommage. Je t’ai dit que ces choses-là, la lingerie, c’était fait pour aller sous les autres vêtements, normalement personne ne la voit. Sauf moi, et moi ça ne me gêne pas de voir de la dentelle.
J’ai dit à la dame que j’étais mandaté. Qu’elle n’aille pas croire. J’ai sorti le slip étalon de mon sac. C’est l’identique ou rien, ai-je dit. Ce fut rien.
J’ai quand même fouiné un peu dans les rayons, histoire d’imaginer sur toi de la dentelle affriolante que tu ne porterais jamais. Et puis j’ai acheté un petit caraco pour toi, un blanc avec de fines bretelles qui pourraient claquer comme des drisses. Comme celui que tu portais l’autre soir, le gris, je ne pouvais plus lire à cause de la douleur dans mes yeux, et j’étais ému aux larmes de voir ton dos, tes cheveux en désordre sur ta nuque, et le petit machin gris avec sa fine bretelle qui glissait sur ton épaule… Belle comme au premier jour, avais-je pensé. Pas pareille, mais quand même.
On m’a sorti de ma rêverie, là, parce qu’une boutique, même de lingerie n’est pas le lieu propice. J’ai même été incité à plaisanter, parce que vois-tu, la vendeuse s’est dirigée vers la cabine d’essayage, chargée de trucs et de machins vaporeux et en dentelles, et elle a dit à la cliente à l’intérieur qu’elle avait le petit string assorti, je n’ai pu m’empêcher de faire la réflexion que j’aurais trouvé étrange qu’elle propose un gros string.