clameur
J’ai entendu une sorte de clameur cacophonique.
C’était dehors.
Malgré les fenêtres closes, je l’entendais.
En plus de la rumeur habituelle de la ville. Tu sais, en contrebas du bâtiment où je travaille passe une des artères très fréquentées de la ville. C’est un endroit près d’un carrefour. Les rues sont étroites. Les bus ont du mal à tourner. On les entend aisément soupirer et ahaner avant de prendre leur élan pour descendre jusqu’à la gare.
Et il y a la gare, oui. Nous sommes accrochés à flanc de falaise, avec nos bâtiments en vigie au-dessus de la vallée, et nos cèdres qui mugissent dans le vent. En matière de bruit nous sommes servis, le plus agressif étant sans doute la respiration des tgv, accompagnée de ritournelle et de voix enregistrées d’un ridicule accompli, et parfois des grincements d’erratiques convois de fret qu’on manœuvre.
Alors en plus de tous ce vacarme trivial, j’ai entendu la clameur et j’en étais heureux. Ce n’était nullement une manifestation comme le printemps aime en produire, chants scandés dans des porte-voix, sifflets, rythmes battus sur des instruments de cuisine cabossés. La clameur n’avait rien d’humain. Je souriais intérieurement, heureux de l’entendre annoncer le renouveau. Surpris aussi de l’entendre retentir sur la ville, c’était la première fois que je constatais ce phénomène à cet endroit.
Je me suis détourné de mon ouvrage. En fait j’étais déjà détourné, complètement absorbé par ce que mon ouïe percevait. Disons que j’ai détourné les yeux de mon écran. Je me suis tourné vers la fenêtre. J’ai regardé là haut. Dans le ciel circulaient quelques nuages, parmi lesquels fusait le grand V mouvant d’un vol d’oies en transit vers le nord.
février 2010