petit malheur
On n’y pense jamais, mais le malheur, c’est comme le bonheur.
Je me rends compte que pour la démo, il vaudrait mieux que je mette ça au pluriel. Donc, les malheurs, c’est comme les bonheurs. Il y en a des petits et il y en a des grands.
Les petits bonheurs. On en voit de ci de là, au gré des pérégrinations. Des premières gorgées de bières et tout ce genre de trucs un peu à la mode.
Alors les petits malheurs, pourquoi ne pas en parler aussi ?
J’y pense, parce que justement, pas plus tard que dimanche dernier, c'est-à-dire hier, je me suis levé nuitamment le matin (ben oui, en décembre, quand tu te lèves à 7 h00, il fait nuit), et j’ai tout de suite senti, en ouvrant la porte de la cuisine, que quelque chose n’était pas normal.
C’était une intuition. Le malheur, même petit, ça se sent, ça se devine.
Hier matin, donc (un dimanche), je me suis levé à 7h00 et je suis descendu à la cuisine préparer le petit déjeuner, ce qui n’a absolument rien d’exceptionnel puisque je le fais tous les jours.
Il y a toujours un moment, entre deux tournées de tartines dans le grille-pain, et de pressage d’agrumes dans l’appareil ad-hoc (non, pas fumé), où je profite d’une fraction de seconde d’inaction pour ouvrir les volets. Cela peut-être un moment délectable. C’est même généralement délectable. Sauf qu’en ce moment, en décembre, il fait un temps de chiotte et que je ne me délecte pas du tout. J’aime le beau temps, et je me fous éperdument de savoir ce qu’en pensent les jardiniers et les agriculteurs.
J’ouvre donc mes volets sans délectation. Ce sont des volets de porte-fenêtre. Quand on les ouvre, ça fait un joli bruit de (de quoi, au fait ? Disons de peigne. C’est tiré par les cheveux, mais disons ça, faute de mieux. Ça donne une petite idée, non ?). Donc je commence par pousser le volet de droite, qui pousse son petit bruit de peigne en frottant sur le gazon humide. Ce serait donc un bruit de peigne sur cheveux mouillés. Ou gominés. Quoique cela ne se fasse plus guère. Puis je pousse le volet de gauche. Qui non seulement ne produit pas pleinement le bruit attendu, mais en plus refuse de s’ouvrir entièrement, ceci expliquant sans doute cela. J’en conclus qu’il y a un obstacle derrière le volet. Déduction logique. Même à sept heures du mat.
J’allume donc la lumière extérieure. Pour voir de quoi il retourne (une fois j’avais retourné un hérisson, de cette façon-là). Puis je sors en chaussons dans l’herbe abondamment humidifiée par le temps de chiotte. Je me ferai peut-être engueuler, mais tant pis, le malheur n’attend pas. Même petit. Parce que ce que je découvre derrière la porte ne me fait pas plaisir. Mais alors pas du tout. Car en effet il s’agit du corps sans vie et déjà froid de mon animal de compagnie unique et préféré, à savoir une chatte dite de gouttière, tigrée avec de jolies taches blanches relativement symétriques.
Je me dis que ces quelques mots tendres que j’écris là sont une manière d’adieu ému à la sympathique bestiole qui a partagé notre quotidien pendant quelques années.