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le carnet vert
6 mai 2009

confidences

Ils sont restés assis face à face devant leurs verres vides posés sur la toile cirée, tandis que les autres se sont rendus au salon afin de regarder les informations du soir. Il était question de virus, d’universités, peut-être de Small Brother, allez savoir.

Eux deux ne sauraient pas puisqu’ils étaient restés assis devant leurs verres vides. Peut-être pour eux était venue l’heure des confidences. Se dire ce qu’ils aimaient produire était important. Aimer est-il le bon mot en l’occurrence ? Il disait : j’ai besoin d’écrire, ma plume se délie, se fait plus légère. Il disait encore : as-tu lu ceci ou cela que j’ai écrit ? Produire est-il le bon mot ? On devrait dire créer, non ? L’ordonnancement appliqué et gratuit des mots est une création, au même titre que tracer des silhouettes sur un cahier de croquis ou cadrer des paysages dans le viseur d’un reflex.

Elle parlait de ses racines, d’aïeux qui avaient fui des terres labourées par les obus, qui étaient revenus plus tard et n’avaient retrouvé que des ruines. Elle parlait de lettres touchantes écrites par une grand-mère qui était alors une jeune femme exilée dans un camp lointain. Elle parlait de mettre en forme le rapprochement de ces mots-là, ces cris d’espoir, cette vérité historique particulière avec ce que le monde connaissait déjà, et ce serait aussi une création.

Eux deux étaient passionnés par ces mots-là. Ils le disaient. C’était l’heure des confidences.

Confidence. Trouver le bon interlocuteur. Se confier. Faire confiance.

Elle, surtout, parlait. Et il écoutait. Il voyait se dresser des généalogies. Il voyait des arbres, réellement, et elle, toute petite, en haut d’une des branches.

Ils se sont levés et se sont rendus dans la cuisine, il fallait bien que quelqu’un s’occupe du repas.

Elle éminçait des légumes. Il lavait la salade.

La confiance ne s’était pas rompue. Les confidences se poursuivirent. Elle parlait d’une petite fille, autrefois, qui n’était qu’une bouche supplémentaire à nourrir. A qui on avait dit cela. Comment peut-on dire des mots pareils à un enfant ? Alors il était ému, il éprouvait ces mots terribles dans sa propre chair, il ne pouvait plus que se taire, la laisser dire, écouter.

Ecouter. Etre à l’écoute. S’ouvrir à l’autre. N’est-ce pas la condition même de l’amitié ?

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Commentaires
P
Rsylvie : merci pour les compliments. Pour ce texte -ci, il s'agit bien d'amitié, pas d'amour. Ce sont deux sentiments bien différents.
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R
j'aurais meme parlé d'amour ?<br /> non<br /> j'aime beaucoup ces petits quotidiens qui sont si importants et quelques fois si transparants.<br /> une trés bonne mise en mots <br /> une juste observation avec une pointe de nostalgie et d'étonnement.<br /> <br /> douce journée à toi
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S
:-)
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P
Fabeli : quand le texte est en italique ça veut dire que (en principe) c'est "fiction", ce qui n'est pas le cas ici.<br /> :-)
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F
"j’ai besoin d’écrire, ma plume se délie, se fait plus légère"<br /> <br /> Fiction ou réalité?<br /> Oui, ta plume se délie, se fait plus légère...
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