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le carnet vert
14 mai 2008

le pommier

On va se faire un pommier, avait dit Jacques.

Un pommier !

Certes. Et soit.

Il avait expliqué, c’est le cocktail national de chez nous, au fond du bout de la Bretagne. Chouette, avais-je répliqué, j’adore le jus de pomme. Et nous avions continué de déambuler dans la touffeur du début d’été.

Nous déambulions, oui. Le samedi après-midi. Quelques fois à pied. Le plus souvent en solex. En soldo, on disait. Ou en voiture, c’était d’un grand chic depuis que j’avais mon permis et une vieille 4L bleu marine. A trois vitesses, vingt dieux. Une pièce de musée pour ainsi dire.

Nous étions obligés de déambuler, quasiment. Pour avoir la paix. Parce que chez lui, comme chez moi, comme chez d’autres copains, il y avait des parents qui veillaient au grain. Des mères surtout. Nous étions des garçons relativement raisonnables, mais fallait pas exagérer, quand même. M’enfin. On pouvait bien fumer ce qu’on voulait sans que le monde s’écroule. Ou faire semblant. Comme mettre du thé dans les gauloises pour que ça sente bizarre. Ou faire des pommiers.

En l’occurrence nous déambulions à deux rues poussiéreuses de chez moi. A pied. Et pommier en tête, nous obliquâmes vers le supermarché.

A propos de pommier : mais non, avait dit Jacques, y a pas de jus de pomme dans le pommier, c’est breton ! Ce qui semblait expliquer tout. De fait le pommier se composait de gnole (de pomme, je présume, mais chez moi on n’avait que du schnaps de gewurz, cela ferait l’affaire, et comment ! y avait plus qu’à piquer une bouteille discrètement dans la cave), de vin blanc genre muscadet, bien acide, et de vin rouge, style du gros qui tache, bien lourd, comme on en trouve à tous les coins de rues en Bretagne, paraît-il. Et chez nous aussi, évidemment. Hum. L’affaire se présentait sévère. Mais j’avais dit ok pour le pommier, je ne pouvais pas me dédire. Et puis nous étions des garçons raisonnables, je vous dis. La preuve : Jacques, bien que breton, jouait au rugby. Le rugby est bien un gage de raisonnabilité de garçon, non ?

Le pommier, je ne me rappelle plus dans quelle sorte de récipient on l’a préparé. Ce que je sais, c’est qu’on l’a trimballé chez un vague copain fils de dentiste qui habitait au fin fond des rues poussiéreuses. Un pavillon kitsch, comme tous les pavillons, mais assez sélect quand même, un dentiste, pensez. C’était tellement au fin fond qu’on ne pouvait raisonnablement pas y aller à pied. Alors on a pris la 4L. C’était plus pratique que les soldos pour transporter le pommier. Et plus convivial peut-être.

Je ne sais plus si on a goûté le pommier avant d’aller là-bas. En tout cas ne me demandez pas de vous expliquer exactement où c’était. Ni même de vous dire quoi que ce soit de la soirée. Je me souviens vaguement qu’à un moment Rémi enlaçait tendrement la cuvette des wc en dégoisant je ne sais quoi d’inintelligible. Je me souviens encore que le dentiste possédait un berger allemand auquel je m’efforçais de parler avec le plus bel accent alsacien, des fois qu’il aurait eu des accointances. Allemand, alsacien, il y a des similitudes. Je me souviens encore que tard dans la nuit quelqu’un m’a raccompagné en mobylette jusqu’à chez moi. Je veux dire le type roulait en mobylette, assez lentement, et je le suivais comme je pouvais avec la 4L. Je ne sais pas où était passé Jacques cette nuit-là. Arrivés tant bien que mal à bon port, le type m’a fait un signe de la main et s’est éloigné, mission accomplie. Moi, j’ai reculé pour entrer en marche arrière dans l’allée du garage, comme on fait d’habitude. La grille était fermée, mais je suis entré quand même, ça a dû faire un barouf du diable. Les lumières se sont allumées. Ma mère est sortie. Plus abasourdie qu’en colère. Un garçon si raisonnable ! J’ai eu du mal à me transporter jusqu’au lit vide le plus proche. Livide moi aussi. Malade. J’avais l’air fin, on peut le dire. Le fichu lit tanguait tant qu’il pouvait. Puis j’ai sombré dans le néant.

Le lendemain c’était dimanche. J’avais mal à la tête. Dans l’après-midi je suis sorti. Pour aller voir Jacques, ou Eric, ou je ne sais plus qui. Pas une fille, en tous cas. Il valait mieux pas. Et pas question de 4L. En vélo, je suis parti. Et penaud. N’empêche, je l’avais finement pressenti, que le pommier, ça risquait d’être sévère.

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Commentaires
F
J'ai crée il y a 3 ou 4 ans un cocktail pour un client que j'avais baptisé le pommier. Rien à voir avec le tien, de pommier, quoique, je n'ai pas essayé de boire une bassine entière!!!!
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T
J'ai aussi essayé les herbes de provence...entre autre!<br /> Mais ceci est une autre histoire!
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S
Hein ? Quoi ? <br /> Alors là, j'en leste le c..scotché sur ma chaise ! Mais je cloyais le Phil laisonnable depuis toujouls moi ! mdl<br /> <br /> Vous n'avez jamais essayé les herbes de Provence dans les cigarettes ? Nous, si. Et on préférait la clairette de Die pas clairette c a d la bourrue quoi !
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