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le carnet vert
6 mai 2008

parfum

D’abord et avant tout il y avait eu cette odeur, ce parfum envoûtant qui me mettait le sourire aux lèvres et qui me ferait oublier la douleur de mon corps inaccoutumé aux travaux de force.

Il pleuvait.

Eh oui, comme toujours quand on a besoin qu’il fasse beau.

Il pleuvait, mais pas trop fort, heureusement, et sporadiquement, ce qui ne nous empêcherait pas de manipuler le bois.

La vieille voiture rouge cahotait lentement sur le chemin truffé de nids de poule. On se serait imaginé dans le « Salaire de la peur ». Sauf qu’on ne transportait pas de la nitro mais tout l’attirail nécessaire pour préparer et  ranger le bois abattu récemment, et débité en tronçons de cinquante centimètres. Des serpes pour ébarber, des merlins pour fendre les gros morceaux, une masse et des coins, une hachette, une tronçonneuse au cas où. Au moins ça ne risquait pas d’exploser.

Il n’était pas si mauvais que ça, ce chemin, auparavant. Mais « ils » sont passés et repassés avec des engins de chantier, pour acheminer d’énorme blocs de granit afin d’aménager un ruisseau. Dieu seul sait à quoi ça sert. N’empêche qu’ils ont bousillé le chemin. Ces cons-là. En plus je présume que ce sont des cailloux payants, alors qu’il y en a des tas de gratuits dans les champs, tels que les exploitants seraient sûrement heureux de s’en voir débarrasser.

A travers la vitre embuée, j’apercevais les jacinthes, les primevères, les orchidées mauves et toutes les fleurs sauvages qui font le charme printanier des talus. Dans le grand virage à angle droit, je me suis souvenu qu’autrefois j’avais déniché là un gisement de pleurotes.

La voiture s’était engagée en grinçant sous le couvert des grands chênes. Pas besoin de tenir le volant, les ornières glissantes faisaient le travail.

Une dernière manœuvre et le moteur s’était enfin tu.

Je suis sorti de la voiture.

Il tombait quelques gouttes.

J’avais examiné les lieux. Depuis la dernière fois, d’autres arbres avaient été abattus. Une vaste étendue désolée s’ouvrait devant moi, jonchée de morceaux de bois et de branchages. Un vrai champ de bataille. Ça et là, quelques tas chancelants avaient été ébauchés.

Il n’y avait plus qu’à.

Il y avait du boulot.

Pas question, pourtant, de se laisser décourager.

Nous avions empoigné les outils, et nous étions engagés sur le sol meuble mais heureusement pas trop détrempé par les intempéries récentes. Nous avions jaugé et évalué et décidé de compléter tel tas plutôt que tel autre, en dégageant progressivement autour. Le temps de cette réflexion, je m’étais complu à goûter l’ambiance, à me laisser gagner par des impressions, les sens en alerte. Alentour la forêt bruissait. Il y avait de la vie. Plus loin, en sourdine, on percevait le grondement grave de la rivière charriant ses eaux sombres parmi les blocs moussus.

Et puis, surtout, il y avait cette odeur, ce parfum pour moi suave et envoûtant, celui du bois fraîchement coupé, du chêne majoritairement, qui dominait toutes les autres senteurs pourtant amplifiées par l’humidité.

J’avais souri.

J’avais attrapé un merlin et, heureux, je m’étais mis à l’ouvrage.

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Commentaires
D
Un "merlin"? Voilà un mot que je vais m'empresser de chercher dans le dictionnaire...<br /> <br /> Ta description des odeurs réveille chez moi des souvenirs de forêts et de bois coupé. L'odeur de la pluie sur les feuilles, sur la terre gorgée d'eau. <br /> <br /> C'est toujours un plaisir de te lire.
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