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le carnet vert
6 octobre 2006

fascination

P1010067

Il faut bien en convenir : le lieu lui-même est fascinant. Imaginons. Nous sommes en altitude, disons à…, enfin nous sommes assez haut, quoi, sur le deuxième plateau. On est arrivé là par l’entremise d’une route forestière abrupte et étroite. Puis on a descendu un sentier légèrement boueux, en faisant gaffe de ne pas se prendre les pieds dans les racines saillantes des hêtres. Enfin on a eu l’impression de plonger dans le vide, heureusement que le belvédère est pourvu d’une barrière de protection.

Et voila, il n’y a plus qu’à se laisser envahir par la beauté du paysage, observer les variations de la lumière scintillant à la surface des lacs. Se laisser gorger par une symphonie de bleu et de vert, de vert surtout. Du vert dans toutes ses nuances, dispensé par les eaux aux profondeurs variables, par les feuillages printaniers tranchant sur la masse plus sombre des conifères. Du rêve. Et on voudrait rester là le plus longtemps possible, comme en suspens, sur l’arrête de la falaise de calcaire, une roche verticale qui domine les quatre lacs de… , un paquet de mètres.

Vent grisant.

Vertige.

Du rêve.

J’ai ancré mon rêve sur les quatre lacs.

Ado, l’hiver, j’en ai fait le tour à ski, j’ai goûté le plaisir de fouler des chemins peu connus des amateurs de glisse. Je dois dire qu’on a beau être à…. enfin assez haut, la neige manque quand même bien souvent, ce qui oblige à déchausser les skis toutes les cinq minutes pour traverser une zone dégagée, à les rechausser un peu plus loin, et ainsi de suite, et j’en conviens ce n’est pas très intéressant. Mais alors quelle tranquillité !

Justement. Parlons en de la tranquillité. Du rêve qui ne dure pas longtemps. Par la force des choses. Malgré le vent grisant. Malgré le vertige causé par la dénivellation et la sarabande du vert.

Parce que vous comprenez, maintenant il y a un sentier balisé qui vient d’en bas, de dieu sait où, d’un autre belvédère peut-être, je sais qu’il en existe un qui domine le haut des cascades, là-bas dans le fond, à gauche, au bout du miroir scintillant du lac d’Ilay. Enfin bref, il y a un sentier balisé qui arrive juste là, et comme la pente est raide pour venir sur l’arrête de la falaise, on y a aménagé des marches, c’est malin de leur faciliter la tâche, du coup il y a un va et vient incessant de gens qui jettent un œil en bas, certains se prennent au rêve, se laissent griser par le vent et tout ce vert, certains seulement, la plupart se contentent de papoter là sans se soucier plus que ça de la beauté irradiant des lieux, non, ils sont juste satisfaits d’avoir atteint le but, été présents à un moment dans un endroit décrit sur le guide du routard ou écrit en un peu plus gros que le reste sur la carte routière. Ils ont « fait » le belvédère des quatre lacs, ils ont vu du pittoresque, ils peuvent repartir vers une autre « curiosité » qu’ils verront à peine. Sans cesser de papoter. J’exagère ? Et bien c’est possible, tant pis.

Ça m’agace. Parce que je serais bien resté là un moment, à rêver, à plonger, à entretenir les couleurs de ma balise, jusqu’à ce que le froid m’engourdisse… oui, bon je sais, il faudrait pour cela trouver un stratagème, nous sommes en fin de printemps, et même si nous sommes à… enfin assez haut, il ne fait pas froid du tout. Disons qu’au bout d’un moment, le petit vent grisant finirait par lui faire dire qu’elle a froid : Elle est frileuse, c’est comme ça. Mais même, nous n’attendons pas jusque là, parce que tous ces randonneurs du dimanche papotent là au bord de la falaise, et que ça nous ternit le souvenir.

Fascinant encore, le plaisir de re-découvrir avec Elle un lieu partagé autrefois.

Et puis, et c’est là que je voulais en venir finalement, fascination rémanente laissée par l’image que je ne cesse de contempler, morceau figé depuis le printemps dernier, d’un des quatre lacs, que nous dominions comme dans un rêve, dans du vertige.

Une image composée comme ça, dans l’écran minuscule du troisième œil, et qui là, en fond d’écran de l’ordinateur, me retient dans ses rets sans que mon regard puisse en sortir, je plisse les yeux, je fais toutes sortes de simagrées, je ne vais pas jusqu’à tourner l’écran dans tous le sens, mais je pourrais, je suis sûr qu’au final mon œil reviendrait toujours au même détail, ce point vaguement jaune, un feuillage particulier, situé vers le coin en haut à droite, au fond d’une langue de prairie, un point fort de l’image, un qui empêche les regards de s’échapper.

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Commentaires
P
Tonton Jeannot : c'est réciproque.<br /> Syl : tu as tout dit.<br /> Eribel : c'est quelque part dans le Jura. Bon voyage, alors ;-)
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E
..pour ce magnifique photo qui me permet d'y plonger et rêver sans être distraits par des badauds et qui me donne envie d'y aller un jour...je ne sais pas encore ou c'est ...illico dans la semaine et de rêver..
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S
Tomber dans une image et avoir l'impression de ne plus être là....Oui, c'est bien ça. Le moment où on se sent devenir un élément de celle-ci et plus une personne extérieure.<br /> Fascinante expérience de bien-être, qui fait qu'on n'ose plus lever le regard, de peur de briser cette alchimie magique.<br /> <br /> Il ne te reste plus qu'à retourner là-bas et te plonger dans le paysage comme tu le fais dans la photo. Et tous ces badauds du dimanche disparaitront de ton esprit !
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T
Franchement, j'apprécie ta plume!...<br /> Au plaisir.
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