vent
Le vent souffle fort ce matin.
Et sous le vent, dans le vent, contre le vent et encore sous le vent,
Tout ça dépend des tournants du chemin,
Je cours,
Comme là-haut courent les nuages,
Comme court le vent.
Le vent qui a lavé le ciel
Et qui m’a lavé la tête.
Ainsi ne pensé-je à rien.
Rien de désagréable, j’entends,
Seulement les mots qui apparaissent
Et disparaissent
Au rythme de ma respiration.
Des mots qui disent l’émerveillement renouvelé
De découvrir une fois encore
Des horizons bien connus
Pétris de détails sans cesse renouvelés
Tels ce pointillisme de rouge
Des coquelicots oscillant doucement sur les talus,
Tels la présence ou la trace
De la vie sauvage,
Là des bestioles sources de répulsion incontrôlable,
C’est ainsi une unique chenille pendant au bout de son fil,
Accrochée à une branche de chêne,
Je la remarque et ne fais que ça, la remarquer,
Et je me dis que m’est venue une forme de sagesse,
Car en d’autres temps,
J’aurais certainement rebroussé chemin
De peur d’en trouver d’autres encore et encore
Et j’aurais eu tort, la preuve elle était seule.
Ici un écureuil assez peu effarouché,
Qui me regarde venir
Et tel un éclair roux détale au dernier moment
Pour se perdre dans un fourré de rosiers sauvages.
Là enfin entre deux pièces de colza,
Sur le bord du chemin, l’herbe et la terre
Ont été étrangement labourées au
Passage probable d’un sanglier
Et par une association saugrenue d’idées
Les défenses de la bête fouissant le sol
Évoquent une lame cruelle qui fouillerait ma chair.
D’un coin de forêt récemment essarté
S’envole un rapace au vol majestueux
Qui bientôt disparaît dans le vent,
Ce grand vent auquel se joint ma respiration
Et qui donne du rythme à mes mots,
Des mots qui ne sont encore qu’idées
À l’instant où je les expire.