le premier jour
On aurait dit que nous le faisions exprès. L’éclaircie était tentante. Une promenade semblait bienvenue. Nous nous sommes vêtus de nos manteaux, des vieux, qui ne craignent pas l’agression de ronces sournoises. Nous avons mis nos chaussures, des vieilles, qui ne craignent pas la boue des chemins. Juste au moment où le soleil disparaissait pour longtemps sous un amas de nuages noirs et mouvants, nous nous sommes enfoncés dans le sous-bois. Nous avons descendu le sentier le long du ruisseau, en glissant à peine sur les feuilles en décomposition. Les jardins étaient déserts. Le vent s’est levé. Aucune limousine ne nous a salué de ses meuglements. Aucun canard ne s’est envolé craintivement à notre approche. Aucun chien n’a jappé dans le lointain. Par chance aucun chasseur ne patrouillait dans les environs. Arrivés dans la vallée, nous avons traversé le ruisseau, et nous sommes revenus vers le village par l’autre chemin. La pluie a attendu que nous soyons à l’abri pour s’écraser au sol, peut-être était-ce un signe. Dans les broussailles on entendait les trilles des merles, comme une promesse de printemps. Mais nous n’étions qu’au premier jour de l’année.