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le carnet vert
28 décembre 2015

le jour des grues

Le temps nous étonnait, et nous étonne encore. Des cris ont envahi le ciel. Un midi de fin décembre, un jour de Noël ! Les enfants sont sortis. Un vol de grues en partance pour le sud. Ils ont dit des oies, mais non, il s’agissait bien de grues. En partance, vraiment ? On pouvait se demander. Leur formation n’était pas si régulière qu’à l’ordinaire. Certaines semblaient suivre à contrecœur, se désolidarisaient parfois, faisaient mine de rebrousser chemin. On pouvait imaginer qu’elles partaient parce qu’elles étaient programmées pour cela, mais qu’elles n’en avaient pas envie.

Le temps nous étonnait. Certains étaient partis, précédant les grues. Ceux qui restaient s’étaient rassemblés autour du repas. Les enfants étaient rentrés. On a servi les huîtres, et le foie gras, et le vin blanc du Beaujolais. Autour de la table on riait, on causait fort. L’un d’entre nous trouvait même à citer des phrases glanées dans la bible et qui, sorties de leur contexte, résonnaient de manière amusante. Bien que nul d’entre nous ne soit normand, avant d’attaquer les viandes, on a sacrifié à la tradition du trou, une boule de sorbet à la pomme pour chacun, arrosée d’un trait de calva. J’ai versé quelques gouttes d’alcool au gamin, et vous auriez vu comme ses yeux pétillaient, comme il était fier. Je me suis retrouvé dans le rôle de mon grand-père, qui m’avait initié un soir de réveillon aux plaisirs annexes de la table, une rasade de savagnin dans mon verre, que je n’avais pas aimé, et quelques bouffées d’une de ces cigarettes de couleur qu’il faisait venir de Suisse, et Dieu sait que moi aussi j’avais alors été fier.

Certains étaient partis et ceux qui restaient faisaient corps autour de la table, autour des rires et de l’abondance de circonstance. Puis vinrent le dessert et le champagne, dont les fines bulles montaient en colonnes douces dans le cristal des flûtes. Plus tard certains se plaindraient d’avoir trop mangé. Les autres hausseraient les épaules et se retrouveraient autour d’un jeu, ou auprès de l’âtre, si tant est qu’il soit nécessaire de se réchauffer, car la chaleur était déjà présente, dans la ferveur des verres levés, de celles qui unissent les familles.

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