voyage
Sortir d’un musée. Ignorer ce qui restera. Savoir que la mémoire est fantasque. Pourquoi pas des arbres. De longs troncs tortueux éclairés par les derniers rayons du soir. Ou un enfant poursuivant un ballon rouge sur une vaste pelouse. Vue en plongée restituée sur carte postale.
Se mêler à la foule des touristes, des promeneurs. Pour un instant. Fuir l’agitation de ce qu’on nomme la plus belle avenue du monde. Capter l’image des marronniers brunis pas un début d’automne. Retomber en enfance. Donner du pied dans un marron luisant. Le regarder rebondir sur le pavé, et s’écraser sous la roue d’une auto.
Bus 80. Montaigne. Boutique de luxe. Porte poussée par couple avide. Se demander qui peut bien avoir les moyens. Rond-point. Boutiques de luxe. Galeries d’art. Immeubles cossus. Restaurants chers. Nappes blanches. Quartier sans âme ? Bus 80. Boulevard. Platanes en habits de couleurs. Parvis de gare. Embouteillage. Rome. Montée. Pont métallique sur écheveau de voies ferrées, avec verrière. Impressionnisme. Manque la fumée, bien sûr. Europe. Vienne. Saint-Pétersbourg. Lisbonne. Florence.
Bus 80. Clichy. Néons. Foule, encore. Boulevard. Montée. Caulaincourt. Cimetière. Tags sur la trame métallique rivetée. Ombre oppressante. Descendre du bus. Coin de la rue. Café ouvert sur une possibilité de brunch. Se demander si demain matin. Mais non, finalement.
Lepic. Façade blanche avec statues. Droite, gauche. Monter, descendre : choisir. Vêtements. Avoir envie d’essayer et s’abstenir. Chaussures à composer soi-même. N’en avoir pas envie. Art de la rue encagé dans une galerie. Apprécier l’humour. Se désoler des prix. Photographier les vitrines. S’attabler enfin pour une bière. En terrasse, goûter la vie d’un quartier. Sentir une ambiance. Arrêter le temps. Pour un instant. Faire le voyage.