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le carnet vert
15 octobre 2013

sous un porche (cinéma muet)

Elle marche dans la rue. C’est l’été. Les murs sont de briques. Le sol est pavé. Elle marche. Elle n’est pas une icône. Elle est belle, de cette beauté qu’on aimerait toucher. Soudain il pleut. Elle ne marche plus, elle court. Elle doit s’abriter. Courir n’est pas facile, avec ses hauts talons sur les pavés glissants. Elle se réfugie sous un porche. Soulagée sans doute. Elle soupire. Elle ruisselle. Elle est trempée. Ses vêtements ne la voilent plus. Il se peut qu’elle ait soudain froid. Elle s’enlace dérisoirement de ses bras nus. Faible protection. Un homme est là, sous le porche, déjà réfugié sur un banc de pierre. Il la regarde. Enfin… leurs regards se télescopent. Dès cet instant fugace ils savent que. Un peu d’herbe pousse dans les joints du pavage. L’homme se lève. Propose sa veste à la femme, la dispose sur ses épaules. Du temps passe, et la pluie. Leurs lèvres se meuvent pour quelques phrases, un peu de civilité.

Le temps passe encore, et la pluie continue. L’homme se lève à nouveau, scrute le ciel, consulte sa montre : il sera en retard. Le regard de la femme, son visage : tous les signes sont là, elle est amoureuse. Elle vient à lui. Passe doucement sa main sur son dos. On imagine la caresse sur le lin bleu pale de la chemise. Une promesse. On frissonne. L’homme se retourne. Leurs regards luttent et se fondent. Les lèvres s’approchent, s’entrouvrent, les cous se tendent ; le baiser point. Mais déjà les corps s’éloignent. Il ne peut pas. Ses lèvres bougent. On devine ce qu'il dit : il ne peut pas. Il faut savoir dire non. On admire peut-être son courage. La femme, dans ses gestes, dans son attitude, ne peut cacher sa contrariété. Elle désirait cet homme. Elle le voulait. L’espace de quelques minutes, elle était entièrement consacrée à lui, elle s’ouvrait. Et puis voilà, la vie reprend son cours. La pluie cesse. L’homme s’engage dans la rue. On le voit plus tard devant une école, parmi d’autres parents d’élèves. Les enfants sortent, joyeux. Un petit garçon lui saute au cou, puis lui tend un dessin. Je l’ai fait pour toi. La femme les rejoint. Les lèvres se meuvent pour quelques phrases. On se salue. C’est fini. La femme s’éloigne, perchée sur ses talons hauts, se méfiant encore des pavés glissants. Elle sourit.

Avril 2013

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Commentaires
P
Commentaire muet... parce que c'est beau !
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