le choix des armes
J’ai lu quelque part un échange de points de vue quant aux outils que chacun de nous utilise pour écrire ses textes. Les avis et usages sont partagés. Certains ne jurent que par le clavier, tandis que d’autres sont accros au crissement de la plume sur le papier. Pour ma part, je suis clavier et uniquement clavier. Mon écriture manuscrite est si vilaine que je peine moi-même à la relire. Une amie m’a aimablement fait remarquer, tandis que je dédicaçais un livre à côté d’elle, que je ne savais pas écrire. Un point d’interrogation virtuel et non moins géant s’est aussitôt développé au-dessus de mon crâne. Qu’est-ce que cela pouvait bien signifier ? Il parait simplement que je tiens mal mon stylo. Bon. Me voilà bien avancé. Que je sache, personne ne m’a jamais empêché de tenir mes outils de cette manière, même du temps idiot où on tentait encore de réprimer les gauchers (que je ne suis pas, je me contente d’être gauche). Pourtant au début j’écrivais à la main. Je crois pouvoir affirmer que je suis entré en écriture à compter du jour où j’ai rencontré la poésie des surréalistes en général, et de Paul Eluard en particulier. Je voulais écrire comme lui, c’était décidé. Comme à l’époque dont je vous parle, il n’était pas question d’ordinateur et qu’il n’y avait pas de machine à écrire à la maison (on m’en a prêté une pour taper mon rapport de stage d’IUT : j’ai compris ma douleur !), le choix était vite fait, c’était papier et stylo bille. Ledit papier étant tout et n’importe quoi de préférence, feuilles volantes, pages arrachées aux cahiers à spirales, et même des tickets de métro. Quelques années plus tard, lorsque je me suis piqué d’écrire des romans, je me suis armé d’une ramette de papier, sur laquelle j’usai gaillardement des crayons de graphite HB. Caravan a été conçu ainsi. Je me suis néanmoins rapidement rendu compte que tout ressaisir ensuite au traitement de texte était du dernier fastidieux. Alors dès lors que je fus doté d’un bureau équipé d’un ordinateur, je n’ai plus utilisé que le clavier et l’écran. Quelqu’un a dit, au cours du valeureux débat évoqué plus haut, que l’usage du clavier d’ordinateur pourrait s’apparenter à la pratique du piano, que cela ajoutait de la musicalité à l’acte d’écrire. Je suis bien près de partager cette vue. Il y a bien un piano dans un coin, chez nous, mais je ne sais pas en jouer, ni d’aucun autre instrument, et je n’ai pas envie d’apprendre. Pour autant, le jour où on me félicitera pour la musicalité de mon écriture, je serai le plus heureux des hommes. Ce n’est absolument pas un hasard si mon roman s’intitule Caravan, le célèbre morceau balisant le texte comme un leitmotiv. De même je ne surprendrai personne en dévoilant que le héros de mon nouveau texte est jazzman, contrebassiste cette fois.
Juin 2013