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le carnet vert
11 mai 2013

invaders

Attendre quatre jours. Mêler passé et présent. Proches. Il pleut. Il pleuvait. Cela devient plus que récurrent, ces temps-ci. Il pleut sur la rue Réaumur. J’aime bien cette allitération. Rue Réaumur. Une avenue ou un boulevard du même nom, cela n’aurait pas de sens. Devant le bar du coin de la rue, une petite foule fait tache d’huile. Nul n’a mangé de pommes-harengs, mais il n’empêche que l’heure dévolue à la cantine touche à sa faim, ah ah, à sa fin, et que les gens hésitent à se ruer sous l’averse afin de rejoindre l’ennui de quelque bureau. Ça et là on déploie néanmoins un parapluie, que le vent s’empresse d’attaquer. Sur le trottoir d’en face, à la verticale de morpions en mosaïque, qu’on appelle parfois invaders, du nom de scène de leur audacieux créateur, un homme se tient debout, immobile sous la drache, comme on dit en picard. Je ne sais pourquoi il me prend parfois l’envie d’user de mots qui ne sont pas de ma langue. Sous la drache, donc, je persiste, se tient un homme, immobile, insensible à l’insistance des éléments. Y a-t-il une quelconque pureté dans l’eau du ciel ? Cet homme se lave-t-il de ses soucis ? Voilà les questions que je me pose, en alternance avec l’envie de photographier les morpions. Si j’avais un zoom. J’imagine l’homme ce matin, voire cette nuit. Se tournant et se retournant, ne trouvant pas le sommeil. Accablé d’avoir vu le lit vide et de l’être devenu. Il me vient l’idée d’une femme. Elle est partie. Ou elle n’est pas venue. Il se peut même qu’elle ne soit jamais venue. Bref, elle n’est pas là. Sa place est vide sur le futon. L’homme passe sa main sans relâche sur son absence. Pas de sensation chaleureuse. Rien. Pas de subtil parfum floral. Pas d’espoir incontrôlable éveillé par un léger chantonnement venant de la douche. Rien. L’homme est seul. On ne sait pas si c’est permanent ou non. Sa solitude brute, comme un bloc de marbre. Avec toute la lourdeur que cela suppose. Si bien que quelques heures plus tard, sous l’averse, sous la drache, il se trouve insensible, puis soulagé, le poids ruisselle sur lui, emporté avec l’eau du ciel. Une nouvelle vie commencera-t-elle ? La pluie se tait soudain, aussi vite qu’elle est venue. Au-dessus de la Bourse, un coin de nuage se soulève en riant. Les gens amassés devant le bar du coin peuvent enfin s’égailler. Les parapluies se replient. On se met en marche. Les bureaux attendent. L’homme mouillé se met en marche. Il voudrait laisser son malheur sur le bitume sale du trottoir. Il traverse la rue, se retourne. Il lève la tête. Il sait. Il contemple les morpions, les invaders, leur adresse un clin d’œil. Il reviendra un jour, avec son appareil et un zoom.

DSC_4757

 

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Commentaires
C
Moi non plus je n'aime pas la pluie mais il y a peu j'ai fait une marche et suis rentrée trempée mais c'était agréable...
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V
Lorsque j'étais ado j'adorais rester sous la pluie.<br /> <br /> Depuis... j'ai changé. On devient prudente avec l'âge...<br /> <br /> J'aime les répétitions de ce texte.
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S
Merci pour la photo ;-)
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