l'orge
Tandis que nous cheminions au bord de la rivière, les bras déjà hérissés par la fraîcheur du soir, me sont revenus des souvenirs de sentiers d’ombre. Je revoyais le cours d’eau de mon enfance, dont les rives n’avaient encore pas été aménagées pour la promenade. C’était une paisible rivière francilienne, qui s’alanguissait parmi des massifs d’orties, sous l’abri inquiétant des peupliers trembles. Des pas incertains dans la glaise avaient fini par tracer une vague sente serpentant entre divers obstacles plus ou moins naturels, dont des moignons de murs hérissés de ferraille rouillée. Plus tard, j’ai photographié en noir et blanc ces lieux fantasmagoriques et déserts, et pourtant bruissant d’étrange façon. J’ai affectionné de les voir illuminés soudain par de violents éclairs. Il faut croire que la jeunesse nous rend friands d’émotions violentes. Transis par l’averse, nous nous décidions alors à courir dérisoirement en quête d’un toit, il n’y avait pourtant rien à la ronde, et quand la pluie cessait enfin, nous tentions de figer sur la gélatine le ballet des hirondelles. Elles volaient bas, ces jours-là.