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le carnet vert
16 novembre 2011

clair de lune

Les invités s’en vont. Nous n’agitons pas de mouchoirs, mais nous leur adressons des signes amicaux et sincères. Puis les feux rouges de la voiture disparaissent à notre vue. Il est vingt-trois heures passé. Il nous reste à ranger la vaisselle. Et à préparer la viande en marinade pour les invités du lendemain. Nous nous distribuons les tâches. Nous nous activons. Je transpire encore, malgré l’heure tardive, à cause de la moiteur de ce jour orageux.

Lorsque nous avons terminé, nous nous regardons, un peu harassés, et aussi satisfaits de la journée accomplie. Serait-il l’heure d’aller nous coucher ? Lire quelques pages et se laisser gagner par un sommeil mérité. Eh bien oui. Et non.

Il est onze heures et demie du soir, et voilà que je propose une promenade, ce qu’Elle accepte sans renâcler. Tout cela est spontané. Je dois savoir intimement que l’idée lui plait.

Nous nous chaussons et nous sortons. Les réverbères de la rue sont déjà éteints. Il n’y a que les étoiles au-dessus de nous. Nous cherchons la lune. Nous la découvrons vers l’est, assez bas dans le ciel, et aux prises avec quelques cumulus épars. Elle n’éclaire pas grand-chose.

Nous faisons une promenade au clair de lune, même si néanmoins l’obscurité.

Nous marchons entre deux champs de maïs, sur un chemin assez dégagé. Je remarque qu’il y a de l’herbe au milieu du chemin. Je n’y avais jamais prêté attention. Ce chemin est important pour moi. Nous y avons marché, avec Elle, au mois d’octobre, le jour où elle est sortie de l’hôpital. C’était une petite promenade. Comme celle de ce soir. Elle nous avait fait du bien, à l’un comme à l’autre, même si bien sûr elle était un peu fatiguée ensuite.

Ça stridule à droite et à gauche. Juste un peu, mais j’aime bien. Sans doute que le maïs, tout caparaçonné de cochonneries chimiques comme il est, n’accueille pas beaucoup de bestioles.

Le maïs n’est pas haut, on le devine. Sans doute n’ont-ils pas été autorisés à irriguer effrontément au moment où tout le pays ressemblait à un vaste paillasson.

Le maïs sent. J’aime cette odeur de céréale en fleur. Je la reconnaitrais entre mille. Elle me replonge dans une jeunesse lointaine. Un mois d’été dans la forêt landaise, en colonie de vacances. C’était le mois de mes quatorze ans. La nuit nous marchions dans les chemins, le vent bruissait dans les hautes branches des pins. Et puis nous percevions une sorte de halètement, nous nous lancions dans toutes sortes de conjectures, nous évoquions toutes sortes de fééries et de monstruosités. Il y avait des filles parmi nous, qui étouffaient de petits cris effrayés. Nous jouions à nous faire peur. Bientôt nous débouchions en terrain découvert, éclairé par la lune, pour constater que le halètement inconnu trouvait sa source dans un système d’arrosage disposé au milieu d’un champ de maïs. L’eau amplifiait le parfum, peut-être bien. Un parfum que plus de quarante ans après je n’ai pas oublié.

Lorsque nous retournons vers la maison, au moment de passer là où le couvert de noyers et d’ormeaux rend le chemin invisible, comme si nous entrions dans un tunnel, Elle me prend la main. Donne-moi la main, dit-elle, que si nous devions nous casser la figure, ce soit ensemble. Ah ce geste-là. Elle me prend la main et une émotion intense s’empare de moi. Je voudrais goûter longtemps à ce bonheur simple.

19 août 2011

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Commentaires
P
Lise, oui c'est bon.<br /> Praline : se casser la figure, ça rompt. Pour sûr. Mdl.
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P
Ah ah moi je trouve que le coup de se "casser la figure ensemble" ça rompt un peu le charme :) <br /> ceci dit, oui oui oui à cette superbe émotion intacte !
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L
si bon d'être amoureux comme ça :-)
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