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le carnet vert
14 novembre 2011

vocation potagère

Il ne s’agit pas d’un concombre masqué, de ceux qui égayaient nos jeudi après-midis de leurs aventures potagères. Je ne me souviens d’ailleurs pas dans quel magazine on lisait ça. J’étais abonné au Journal de Mickey et ce n’était pas dedans. Enfin je ne crois pas. Et à vrai dire je ne comprenais pas grand-chose à ces histoires vaguement surréalistes, même si j’en ai conservé un bon souvenir. Bref. Il ne s’agit donc pas d’un concombre, mais d’une courgette. On reste dans la sphère cucurbitacéresque (mot non encore admis dans le bob, mais peut-être en devenir, qui sait). Une courgette énorme, un gourdin prodigieux comme je n’en avais encore jamais vu apparaître sur mon lopin minuscule. D’habitude nous cueillons les courgettes petites et tendres, si possible avant que la fleur ne soit tombée. Celle-ci a dû profiter d’une de nos absences pour croître de façon exponentielle. Toujours est-il qu’un jour j’aperçois l’engin tapi sous son toit de feuilles, et que les bras m’en tombent, comme disait la vénus de Milo (déjà servi, oui je sais, mais j’ai du mal à m’en lasser). Peut-être que je m’exclame, même, allez savoir. Peut-être que ce jour-là Elle vole à mon secours, me croyant la proie de quelque danger.

La courgette dodue a vu du pays. Elle a d’abord attendu en salle d’embarquement, enfin à droite de l’évier, en compagnie de quelques de ses congénères au physique moins avantageux. Les autres ont disparu, de même que les aubergines. Elle est restée. Le jour où nous sommes partis en vacances, nous avons entassé certaines victuailles dans des glacières et les autres dans un cageot. Dont la courgette. Elle a parcouru plus de trois cent kilomètres sans gémir, confortablement installée à l’arrière de l’auto, entre la valise rouge et le fourre-tout des appareils photo. Compte tenu de l’exiguïté de l’appartement, le cageot hébergeant la courgette était posé sur une chaise, non loin de la table où nous prenons nos repas, si bien que, tout en écoutant religieusement France Inter, nous pouvions contempler notre légume à l’envi. En vacances, même à Paris, on est tenté par plein de trucs, on teste, on essaie, on y revient. Si bien que nous sommes loin d’avoir jeûné, même si notre ineffable courgette est restée intacte dans son cageot.

Au retour la cucurbitacée de compétition était confortablement installée à l’arrière de la voiture, entre la sacoche photo et la valise rouge. Le lendemain était un mardi, jour de Toussaint. Je ne sais pas comment la mégacourgette s’y est prise pour nous attirer l’œil, mais elle l’a fait. Nous avons échangé un regard de connivence, Elle et moi. Nous nous sommes saisis de couteaux économes… Un peu plus tard nous avons dû convenir que les kilomètres n’avaient rien enlevé à la tendreté de notre courgette. Ses morceaux rejoignirent un oignon émincé dans le jus de cuisson de feu un rôti de porc. Le tout fut assaisonné de curry de Madras, adouci d’un onctueux lait de coco. Et de fil en aiguille, ou du moins de gamelle en mixeur, la belle devint soupe. Une soupe particulièrement suave, quasiment une œuvre d’art. Et c’est ainsi que la vocation potagère de notre courgette s’est enfin révélée. De quoi alimenter une bande dessinée ?

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Commentaires
P
Oui mais quelle bd !
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C
N'en faisons pas une bande dessinée, ton récit suffit à imaginer la courgette.
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le carnet vert
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