chrysler rose

Je me souviens qu’un peu plus loin dans la rue il y avait une librairie. Y vendait-on des livres ? Sans doute. C’est un détail que j’ai oublié. Mais j’imagine que les Michel et les Club des Cinq venaient bien de quelque part. De même que la manne hebdomadaire que constituait pour moi le Journal de Mickey.

J’avais dix ans. Ou environs. C’était le jeudi après-midi, je crois bien. Nous marchions sur un de ces magnifiques trottoirs en terre battue constellée de flaques. Je me demande comment ils sont devenus. Parions qu’aujourd’hui, de ternes pavés autobloquants… Bref. Arrivés face à la librairie, nous regardions bien à droite et à gauche, et nous traversions prudemment, comme nous avions appris. Il ne fallait pas risquer de se faire écrabouiller dans un moment pareil, n’est-ce pas. Parce que, en ce qui me concerne du moins, le paradis était à portée de main, à quelques mètres à peine. En l’occurrence il s’agissait de la vitrine de la boutique. Que j’étais capable de contempler des heures durant. Y exposait-on des livres ? Ah ah ah, je n’en sais rien. Moi j’y voyais des objets de rêve. Et le rêve n’était même pas inaccessible. Il suffisait que j’aie perdu une dent ou, je ne sais pas, que j’aie été pour la énième fois le premier de la classe, et voilà, j’avais droit à une récompense. Et je vous assure que c’en était une belle. Une petite auto. Je bavais sur la vitrine qui abritait les Dinky Toys et les Norev. C’est dégueulasse, je sais, mais un petit coup d’éponge…

Je me souviens d’une bagnole américaine large comme la main. Une Chrysler. Rose avec des pneus blancs. Kitsch, mais je l’ignorais. C’était une de mes préférées. Elle était de toutes les courses, de tous les parquets, de tous les tapis, de tous les tas de sable. Enfin non, pas trop le sable quand même. Parce qu’après y en avait plein les essieux et ça n’avançait plus. Le tas de sable était réservé aux épaves bonnes pour la casse ou le stock-car. Entre parenthèses, il y a eu bien plus tard un chanteur nommé Dashiell Hédayat qui chantait une certaine Chrysler rose, ce qui fait que je bichais un maximum en l’écoutant le soir, l’oreille collée au Radiola, bichonnant déjà mes souvenirs. En tous cas ma Chrysler était tellement utilisée qu’elle avait mal à sa peinture, à force. Elle était tout écaillée de partout. Elle en avait vu de vertes et de pas mures. Et ce n’était pas de la série noire.

Je pense à tout ça, parce qu’hier j’ai vu un film. Le dernier d’Almodovar. Passablement kitsch aussi, comme d’habitude, et délirant comme d’habitude, bien qu’inspiré d’un titre de série noire, justement, écrit par le regretté Thierry Jonquet. J’aime bien ce qui est vraisemblable, ordinairement. Et j’aime bien aussi Almodovar. C’est contradictoire, mais c’est comme ça. De toute façon ça n’a pas de rapport avec la Chrysler rose. Je pense à ça parce qu’avant le film on a projeté un court-métrage disons d’animation, dans lequel on mettait en scène des autos miniatures plus vraies que nature. J’ai furieusement pensé à ma vieille collection de Dinky Toys amoureusement repeintes avec de la peinture à maquettes (achetée également à la librairie du coin) et irrémédiablement disparue, pour moi tout du moins, ma mère ayant distribué mon trésor aux quatre vents sitôt que j’ai eu quitté la maison. J’ai éprouvé soudain une bouffée de nostalgie devant l’écran et, pour donner le change, j’ai dit à Elle qu’il devait y en avoir pour du pognon, toutes ces petites bagnoles dans le film. C’est que c’est recherché, maintenant, ces petites choses là, je le sais.

Comments

[Syl69]

euh.... oui
????

[phil]

Walrus : j'ai connu aussi.

Syl : et aussi les norev.

[Syl69]

Norev, précurseur puisque verlan de Mr Véron créateur de la boite !

Les p'tites voitures, si tu en veux...mais il faudra que tu rachètes de la peinture à maquette, et de la rose, car dans le stock familial pas le souvenir d'une voiture rose !

[Walrus]

Oui, je me rappelle également. Il y avait même une série à échelle encore inférieure qui s'appelait "Matchbox" !