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le carnet vert
17 mars 2011

alsace

Je t’ai parlé de l’Alsace. L’autre jour. C’était au petit déjeuner, peut-être bien. Je t’ai dit avoir envie de l’Alsace.

Je t’ai regardée. Je ne saurais dire que tu avais l’air consterné. Mais à tes yeux j’ai senti que l’Alsace manquait de charme.

C’est qu’il n’y a ni palmiers ni sable fin ? T’ai-je demandé. Tu m’as assuré que non ce n’était pas ça.

 

Malgré la langue, l’Alsace ce n’est pas l’étranger. Ce n’est pas exotique.

 

Moi, je t’aurais entraînée sur les traces de mon enfance. En plus des excursions sporadiques vers l’un ou l’autre membre de la famille, j’ai passé trois étés en Alsace. Trois fois un mois, si je veux être exact. Largement le temps d’imprimer la trace de mes baskets dans la poussière des chemins.

 

Dès le premier jour, je t’ai parlé de l’Alsace. Ce n’est pas une nouveauté. Le jour de notre rencontre, un courant électrique circulant entre nous.

C’est si loin.

À l’époque je prenais parfois l’accent. Pour faire l’imbécile. Ou parce que j’avais trop bu. Et parce que j’aimais bien, il faut l’avouer. J’avais vingt ans. Comme dit l’autre, je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. J’en avais vingt-deux, très exactement. Et toi dix-neuf. Et c’est si loin.

 

Je ne me souviens pas si je te parlais des vignes ou des monts bleus. Tandis que nous mangions la pièce montée. Les choux poisseux de caramel.

Les monts d’Alsace ne sont pas plus bleus qu’ailleurs, tu sais. On y trouve les mêmes forêts d’épicéas et de hêtres qu’ailleurs. Pas d’arbres bleus. La ligne bleue des Vosges est un mythe. Tous les horizons plus ou moins montagneux sont bleutés, je crois.

 

J’ai envie de l’Alsace.

Pas envie de rechercher mes racines. Ou alors les racines qui sont de celles qu’on plante soi-même. Les balises. Celles qui font les souvenirs tenaces. Pas les racines familiales. Je me soucie peu d’aller au-devant de cousins que je n’ai jamais vus et qui ignorent mon existence.

J’ai envie de retrouver mes étés d’enfant.

Le paysage du tableau qui veille sur la table à manger de mes parents. La petite maison dans la prairie. Avec en toile de fond le Hohneck et le col de la Schlucht.

 

Ce n’est pas une toile, d’ailleurs. Le paysage est peint sur du bois. J’en ai déjà parlé ici. Et le peintre, quoique confidentiellement local, a ses amateurs.

 

Je ne sais pas. Non vraiment je ne sais pas à quoi ressemble la route, maintenant. Une route infime qui montait à l’assaut du ballon aux flancs couverts d’épicéas (j’étais petit, je disais des sapins). Je ne sais même pas si je saurais la trouver. Pourtant il faudrait partir de là. Disons de Munster. Il n’y a pas que du fromage, il y a aussi des petites routes à épicéas.

 

On montait là en taxi, nous n’avions pas d’auto à nous. Un break 404. Vert. J’en ai parlé aussi.

À l’issue d’un magnifique voyage ferroviaire qui nous prenait la journée. Avec au moins trois ou quatre changements. Le taxi vert et poussiéreux brinquebalait sur un chemin non goudronné.

Au bout d’un temps infini, nous apercevions la petite maison au fond de sa prairie, celle du tableau, qui un jour avait appartenu à l’oncle Camille. Prononce Camil, si tu veux bien.

 

Et puis on débouche hors de la forêt. On arrive au Ried. Avec un nom pareil, tu pourrais croire qu’on est en plein marais, dans la plaine. Il n’en est rien. Le Ried est en pleine montagne. C’est une ferme auberge tapie dans les flancs du Petit-Ballon ou Kahlenwasen (et tu es priée de prononcer le w comme il se doit, pas à l’anglaise ; tu es d’ailleurs priée de prononcer Kalawas, c’est comme ça. En alsacien le en allemand devient a.) Après il y a encore de la forêt, et puis le sommet chauve d’où on voit les Alpes. Je sais, ça va encore t’énerver, mais je n’y peux rien, c’est comme ça aussi. De là-haut on peut voir les Alpes. S’il ne pleut pas, évidemment, et s’il n’y a pas de brume.

 

Je mangerais bien un petit quelque chose au Ried. Au moins du munster. Enfant, je n’aimais rien de toutes les spécialités locales. Mais j’ai changé, n’est-ce pas.

 

Irons-nous jusqu’au sommet du Petit-Ballon ?

J’imagine déjà ta moue fatiguée. Je t’en ferai sûrement grâce, n’aie crainte. D’abord, moi aussi, je peine dans les côtes, maintenant.

Tu ne veux pas voir les Alpes, vraiment ?

Ni le grand ?

Le grand quoi ?

Ballon. Lui, c’est sûr qu’on le voit. À moins que le brouillard soit à couper au couteau. Ou la pluie. Je n’ose envisager la neige. Au mois de mai ? Quoique…

 

Je pourrais te raconter les chemins où je faisais le train, je pourrais te dire la fusée et le blockhaus. Si tu veux savoir tout ça, suis-moi. Ou cherche dans les pages du carnet, tu y glaneras bien quelques histoires.

 

Après le café (n’aie crainte, ils en servent sûrement, et ils n’y versent pas forcément une rasade de schnaps), nous redescendrons sur Wasserbourg. Quand j’étais petit, c’est là que nous allions à la messe, le dimanche. Nous descendions à pied. Cette route là était goudronnée. Après, plus loin, je ne sais pas ce qu’il y a. Nous devrons regarder la carte Michelin. Nous sortons de mon univers.

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Commentaires
N
Un univers où j'aime me balader ! que de bons souvenirs, l'Alsace !
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P
Un concours !? chuis cap ! :).... bon je suis peut-être gonflée de dire oui car tu es bon cuisinier et moi .... pfff je me dévalorise toujours ! <br /> La prononciation, oui oui ! d'ailleurs pour les noms alsaciens, j'ai toujours envie d'écrire en phonétique, tellement c'est dur à orthographier !
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P
Fabienne : ah, je m'en doutais.<br /> <br /> Walrus : pour moi, c'est sûr que c'est le coin le plus sympa.<br /> <br /> Mimi : je savoure ton commentaire, ils sont si rares ! :-)<br /> Je suppose que je parlerai un autre jour des vendanges, je sais que tu as envie que j'en parle. Ce sont de bons souvenirs, oui, mais pas des souvenirs d'enfance comme ici.<br /> <br /> Aline : tu veux qu'on fasse un concours de baeckeoffe ? Chiche.<br /> Dans les vallées que je connais, il faut prononcer "beckaofa" mais ça tu le sais sans doute.
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P
Ravie de lire ce billet, moi l'inconditionnelle de l'Alsace et des Vosges. Je foule tous ces lieux depuis plusieurs années, l'an dernier notre rando de 3 jours fut : départ de Metzeral, avons rejoint le Hohneck, puis le Rainkopf où nous avons dormi, le lendemain le Rothenbach, le Batteriekopf, et avons rejoint le Grand Ballon où nous avons dormi. Et le troisième jour redescente, sur Thann je crois.<br /> Sinon, l'Alsace, ses petits villages magnifiquement fleuris l'été, ses côteaux riants... et puis.... le bon vin ! et le baeckeoffe... je suis devenue pro pour le préparer, un jour je t'en prépare un !
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M
Je suis étonnée que tu ne parles pas des vendanges dans tes souvenirs d'Alsace! car en ce qui me concerne, c'est bien ce qu'évoque pour moi l'Alsace et ça aussi ça remonte!!!!
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