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le carnet vert
8 décembre 2010

instant karma

Il aurait fallu que tu voies ça.

Que tu connaisses ça.

Mais ce n’est pas possible, n’est-ce pas.

J’avais quinze ans.

C’était l’été.

La montagne était notre horizon. Vertical. Majestueux. Générateur d’ombre et de lumière.

Les rires s’échappaient parfois de nos tentes. Tu sais, de grandes toiles bleues, sous lesquelles nous pouvions nous tenir debout. Nos y dormions sur des lits de camps.

J’avais quinze ans.

Les filles étaient de toutes les conversations ou presque.

Nous lavions les gamelles avec du sable, dans le torrent.

Nos mains. Bleues à force de froid. Nous n’entendions rien sinon le fracas de l’eau. Ou alors parfois le son cristallin d’un rire de fille.

Nous formions un groupe exclusivement masculin. À quinze ans ce n’est peut-être pas une bonne idée.

La nuit, des discours sans fin. Les fanfarons harcelant les benêts.

Le jour, nous faisions de la ramasse dans le névé. Parfois un chamois apparaissait. Et disparaissait aussitôt.

Nous montions près du glacier. Nous contournions la langue. Nous cheminions sur un sentier instable. De pierres roulantes et de glace. Nous étions chaussés de tennis. Quelle imprudence. La montée, interminable. La descente, beaucoup plus rapide, mais tellement risquée. Nous descendions en courant, presque. L’un de nous s’est retrouvé à l’hôpital. Une jambe cassée.

La nuit le royaume des fanfarons du sexe.

Le jour le royaume des fanfarons de la montagne. J’étais de ceux-là.

Tu n’aurais pas pu connaître ça, tu étais fille. On nous imposait des colonies non mixtes, c’est idiot.

Et puis je ne te connaissais pas.

L’amour miroitait dans un lointain vaporeux, inaccessible, tel un mirage. C’était demain ou un autre jour.

Nous quittions le camp. Nous entassions le barda dans la soute du bus.

Plus tard nous nous cachions sous les bâtiments de la colo. Nous fumions. Dérisoire interdit. Nous parlions des filles.

Nous écoutions des quarante-cinq tours. Les tubes de l’été.

Pochette rouge, carrée, avec juste le titre, en gros, noir : John Lennon chantait Instant Karma.

Je voudrais que tu voies ça, les photos jaunies que j’extirpe parfois des recoins de mon souvenir.

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Commentaires
L
Oerais-je le dire? c'était le guitariste de Dire Straits. Bon, faut connaître DS déjà...
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P
Aline, Bleck : en fait l'important c'est qu'on écoutait Instant Karma. Le reste...<br /> D'ailleurs Loiseau l'a bien compris. Sauf que Mark Knopfler, là je sèche. Jamais entendu parler. Ou alors je perds la mémoire, après tout c'est bien possible.
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L
C'est bien possible qu'une musique marque des instants importants de nos vies. A quinze ans, tout est important alors forcément, la musique.<br /> Moi, c'était Mark Knopfler...
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B
J'ai ce genre de souvenir là... mais moi, on ne parlait même pas encore de filles... on était lamentables...<br /> <br /> Bleck
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P
J'ai un large sourire ému en te lisant. C'est mignon et frais :)
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