canapé bleu
Sur le canapé bleu. Toi et moi. Serrés l’un contre l’autre.
Nous regardons un film.
Thriller psychologique, est-il écrit sur le programme. C’est américain.
Nous regardons.
Et puis soudain.
J’oublie de regarder.
Je n’y suis plus du tout.
Sur le canapé bleu. Toi et moi nous voyageons.
Nous sommes en tapis volant.
Serrés l’un contre l’autre.
Mes doigts font frémir ta peau.
Ma joue fait vibrer ta joue.
Tu te rapproches encore.
L’un contre l’autre nous voyageons.
Il fait chaud.
C’est tropical, comme climat.
Je vois du sable.
Je nous vois dans le sable.
Inertes. Nous enfonçant pourtant.
Nous voyageons.
Toi contre moi.
Je nous revois.
Ailleurs.
Tu es assise non loin de moi. Tu téléphones.
J’entends vaguement ta voix, par-dessus celle du vent.
Nous sommes face à la baie.
Il parait qu’ici parfois on voit des phoques.
Nous, nous ne voyons rien de tel. Seulement des bateaux de loin en loin.
Tu es assise. Je te vois regarder au-delà du large. Et tu parles.
Quant à moi. Allongé sur les galets du Hourdel. Il me semble que progressivement j’oublie.
J’oublie le lieu. J’oublie le temps. J’oublie les galets.
Je m’oublie.
Je m’abandonne.
Je suis tellement détendu, soudain, que j’ai la sensation de m’enfoncer dans les galets.
C’est si peu fréquent qu’après coup, des années après, j’ai encore en moi cette sensation ineffable.
Sur le canapé bleu, toi et moi, nous voyageons.
Nous ne voyons pas la fin du film.