marraine
J’ai regardé le ciel.
Il était gris.
J’avais pris cette habitude là, regarder le ciel, et voguer loin. Mais gris.
Un ciel de circonstance.
J’étais là. Debout. Assis. Debout. Comme on fait dans les églises.
Debout et tremblant. Pas de froid, non. De peine.
Elle était là. Debout près de moi. Elle pleurait en silence, je crois.
Mes parents, à ma gauche. Je les voyais tout petits, tassés sur eux-mêmes, égarés par la peine.
Le deuil ratatine.
J’ai pensé à toi. Quand j’ai voulu. Pas quand le prêtre l’a dit.
Il a dit, on va prendre un instant de silence pour que chacun puisse t’envoyer ses pensées à sa guise. Ou quelque chose comme ça. Aussitôt dit, aussitôt une bonne femme s’est mise à chanter je ne sais quoi, accompagnée par l’harmonium. Passe-moi le silence. Heureusement que je n’ai pas attendu les injonctions de ce prêtre.
J’ai pensé à toi quand j’ai voulu.
Tu n’étais même pas malade, même pas vieille. Et tu es partie. A soixante-douze ans on n’est pas tellement vieux, de nos jours.
Je revoyais ton doux visage. Un visage serein. Le tien. Un mince sourire à peine moqueur, juste parfois.
Je ne te voyais pas souvent. Je t’aimais beaucoup. Tu étais l’image même de la sérénité.
Je me suis fait la sensation d’être une cabane sur pilotis.
À chaque fois que l’un des miens s’en va, c’est comme si on ôtait un de mes pilotis.
Ça bouge maintenant, ça bringuebale.
Quand il n’y aura plus de pilotis, la cabane s’envolera.
Je regardais le fond de l’abside. De belles grosses pierres bien taillées, et polies par les siècles. Je t’y voyais sourire en filigrane.
J’ai levé les yeux vers le vitrail qu’il y avait là.
Je n’ai pas enregistré ce qu’il représentait, ni même quelles étaient ses couleurs.
Je sais qu’il y avait un vitrail, c’est tout.
Je sais que derrière ce vitrail, il y avait le ciel gris, celui que j’avais regardé.
Je sais que quelque part au loin il y aurait des épaules compatissantes pour m’accompagner. Le ciel me disait ça.