bonheur du soir
De ce paysage là se dégageait le sentiment d’une paix profonde, immuable.
Au loin, dans une bande de brume vespérale paissaient des troupeaux qu’on distinguait à peine. Seul le vent d’ouest colportait par moment le tintement joyeux de leurs clarines.
Dans un repli du terrain sinuait le chemin qui mène au village, dont on pouvait apercevoir les quelques maisons blotties autour de sa petite église. Tout cela rougeoyait un peu dans le couchant, et déjà les ubacs plantés d’épicéas avaient pris leur quartier de nuit.
En se baissant un tout petit peu, on pouvait d’un coup occulter le chemin, le village et son église, les ubacs sombres, et alors il ne restait plus rien de rougeoyant. Rien que du vert tendre, celui des graminées et des milliers de fleurs champêtres dressées vers le ciel, et comme près de là gisaient encore quelques andains, le nez s’emplissait d’un délicat parfum de coumarine.
Un bonheur ineffable semblait habiter ce petit coin de montagne.
Et pourtant.
C’est par ce chemin-là, dissimulé derrière le talus, qu’on vit monter la colonne des soldats vert de gris.