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le carnet vert
16 juin 2009

la photo que je n'ai pas prise

La photo que je n’ai pas prise,

Elle est là bien au chaud

Dans ma tête.

Pour le moment je ne l’ai pas oubliée

Et ça me fait chaud

Dans le cœur.

Parce qu’à notre âge, vous savez, les images sont fugitives et ne laissent pas forcément de traces. Cette photo que je n’ai pas prise, personne ne la verra, et on me dira, pourquoi donc n’as-tu pas pris la photo, espèce de rigolo, que tu en parles, que tu nous mets l’eau à la bouche, et qu’on ne voit rien.

Je courrais. Répondrai-je. Je courrais, comme je cours souvent le dimanche, par les chemins de chez nous, et je ne cours pas avec mon appareil photo, non, cela ne s’est jamais vu.

Pourquoi n’es-tu pas retourné sur place, plus tard, avec l’appareil ? Espèce de rigolo, que tu continues de parler, et qu’on ne voit toujours rien.

Cela n’aurait plus été pareil, répondrai-je. Et puis d’abord j’avais la flemme de retourner, j’étais essoufflé, et c’était l’heure d’un petit café.

Cela n’aurait plus été pareil, parce que la lumière aurait changé, évidemment, et que le vent aurait tourné.

Qu’on en juge : je courrais, je ne pensais à rien, ou je pensais à tout, ce qui parfois revient au même. Je profitais d’une éclaircie matinale, un de ces moments privilégiés où le ciel diffuse une lumière particulière, inimitable. Il avait plu il y a peu, j’étais passé dans les hautes herbes, j’avais les pieds mouillés.

Devant moi s’ouvrait un de ces paysages familiers dont je m’émerveille volontiers. Un champ d’orge encore vert ondulait devant, jusque très loin, là-bas, à la route de Château qu’on ne distingue pas de là pour peu que n’y passe aucun cycliste à cet instant. J’avais donc l’impression que le champ ondulait presque à l’infini, descendant en pente très douce jusqu’à la lisière lointaine du bois dont la chevelure sombre barrait l’horizon.

Le champ ondulait dans un camaïeu de verts très tendres et chatoyants, changeant à chaque seconde en vertu des caprices de la brise. Ça et là, au premier plan, quelques coquelicots attiraient le regard, et celui-ci s’évadait ensuite par-dessus les vagues de céréale, jusqu’à la lisière sombre, tandis que quelques cumulus fuyaient dans l’azur. Ce faisant le regard suivait la ligne oblique tracée par l’engin agricole qui avait présidé à l’ensemencement du champ.

Pourquoi serais-je revenu prendre la photo que je n’ai pas prise ? On ne la voit pas, l’image de ce champ d’orge ? Les mots ne suffisent-ils pas ?

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Commentaires
P
Nina, oui on peut se poser plein de questions philosphiques sur ce qui est important, prendre des photos, écrire, dessiner, vivre l'instant présent ou s'en forger des souvenirs...
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N
en lisant ton com "pourquoi on s'évertue à prendre des photos..." je repense à de longs voyages faits il y a bien longtemps avec deux copains. L'un d'eux prenait beaucoup de photos et je le lui reprochais parfois, lui disant qu'il ne vivait pas ces voyages, les transformant de suite en images. Mais il faut noter que de mon côté, j'écrivais beaucoup. Et que l'autre copain me disait à son tour, laisse tomber Nina, c'est maintenant que ça se passe...
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P
Merci Godnat :-)
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G
Avant même de lire le dernier paragraphe, je pensais justement "mais on n'a plus besoin de photo !" Tes mots et notre imagination sont là.
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P
SI tu veux, Poupoune. Moi je suis plus photo, voila.<br /> Merci beaucoup.
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