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le carnet vert
27 mai 2009

la toussaint à la mer

……………Nous marchions en file indienne sur un pont et, dessous, la marée basse isolait les parcs à huîtres. Des barques de pêche reposaient, inertes, sur les vaguelettes sculptées dans la vase.

Plus loin, Manu trouva des champignons. David partit chercher son couteau suisse dans la voiture. Nous emplîmes de mousserons des sacs en plastique du supermarché. J’ai mis mon nez dans un des sacs. Le parfum des champignons me tournait la tête.

Il y eut du vent, qui agita la Seudre. Lancinant, un filin heurtait un mât en cliquetant.

Il y eut des orages, qui s’amoncelaient de toutes parts. Le noir pesait sur nous.

Nous eûmes froid.

C’était la veille de la toussaint, et l’inertie ambiante était lourde.

Nous roulions, une voiture suivant l’autre, moi à la place du mort dans la deuxième voiture, sur des routes suintantes de pluie.

Sur la banquette arrière, Manu imitait une sirène de bateau. Elle voulait voir la mer.

Toujours se succédaient les rideaux de fer baissés sur des fermetures annuelles. Nous ne trouvions ni restaurant, ni bar, ni crêperie. Rien. Je croyais évoluer dans un désert. Je trouvais plus douloureux d’affronter les portes closes, le refus obstiné de ce qui EST habituellement, que s’il n’y avait rien eu, jamais. Il était révoltant d’admettre que, si on ne migrait pas en même temps que les hordes de touristes, aux mêmes endroits, dans les normes, on n’était rien.

La mer. La plage, immense, s’offrait à nos pas. Les nuées noires se suivaient. J’avais cadenassé mon k-way. L’ouverture de la capuche formait un ovale sur mon visage baigné par les rafales. Seul le hurlement du vent me parvenait, qui arrachait aux vagues des paquets d’écume qu’il envoyait au loin festonner les bruyères.

Entre deux averses, un rayon lumineux éclaira le paysage et, dans le bleu, sur la droite, j’aperçus le phare de Cordouan.

J’ai photographié les enfants à cheval sur un tronc blanchi par le sel. Manu riait aux éclats. Plus loin le soleil alluma fugitivement en vert un blockhaus gluant de mousse.

Soudain un rideau de pluie s’abattait sur mon visage. Je ne voyais plus Cordouan.

Nous avons couru jusqu’aux voitures. Lorsque nous arrivâmes à la maison, alors que la nuit était tombée depuis longtemps, nous étions encore trempés. Et tellement contents, finalement, que la mer ne sente ni les frites, ni l’huile solaire.

Nous étions neuf à nous engouffrer dans un café miraculeusement ouvert, du côté de Saint Palais. Nous commandions des chocolats chauds que nous dégustions en regardant les paquets de mer enjamber la falaise.

Mon jean était à tordre, mes cheveux dégoulinaient.

Je me souviens qu’à cet instant précis j’ai pensé à Livia. J’aurais tant aimé qu’elle soit près de moi, avec sa natte noire collée par les embruns et la pluie. Je l’aimais, en fait. Je le lui ai écrit.

…………………

Ce texte est extrait d’un roman commencé il y a une quinzaine d’années et resté inachevé.

PHIL

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Commentaires
P
Berthoise : j'y vais de ce pas.<br /> <br /> Pralinette : pour qu'elle aille se faire une tendinite, merci bien. Non je préfère pétrir moi-même, ça me permet d'ajouter un grain de sel par ci par là. :-)))
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P
Ah comme c'est beau ! Que j'aime cette ambiance ! Comme ci-dessus, je t'encourage à "accoucher" de ce roman, je sens que ce sera une belle histoire !<br /> (psssttt.... je connais quelqu'un qui a l'habitude de la frappe de manuscrits et romans.... que tu connais aussi, allons :))
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B
Au boulot !
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P
Joye, Tilleul, le travail est en cours. Près de 300 pages A4 à taper quand même + finir l'histoire, y a du boulot.
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T
Jolies descriptions! Bravo! C'est vrai qu'on apprécie la mer sans les touristes mais pas sans les terrasses accueillantes de l'été...<br /> Alors, ce roman? Pourquoi ne pas le terminer? Je le découvrirais volontiers...
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