des oeufs
Dimanche matin je me lèverai de bonne heure. J’espère que le ciel sera clément. Alors je chausserai les sabots de caoutchouc que je mets pour jardiner, je débarrerai la porte de la grange, je me munirai de panier que j’aurai pris soin de garnir la veille au soir et je sortirai accomplir mon devoir.
Débarrer est un terme ambivalent qu’on emploie par ici et qui signifie à la fois enlever la barre qui maintient une porte close, ou déverrouiller une porte. En l’occurrence je ferai les deux.
Pour en revenir à mon devoir de ce dimanche, je prendrai sans doute soin de me limiter au périmètre de la cour, afin que les enfants n’aient pas à se mouiller les pieds dans la rosée matinale. J’espère que j’aurai eu le temps de déjeuner avant qu’ils se lèvent, mais ce n’est pas gagné. Nous tâcherons de leur faire mettre un gilet ou une veste, à cette saison les matinées sont fraîches. Nous les équiperons de paniers. Quelqu’un ouvrira la porte de la maison et ils se rueront dehors, tels des fauves se précipitant hors de leur cage, et ils se mettront en chasse. La cour résonnera de leurs cris tandis que bien au chaud derrière les fenêtres, nous soulèverons les rideaux afin de les observer, nous les verrons happer les œufs enrobés de papier scintillant, nous serons un brin fiers lorsque nous les verrons découvrir ceux que j’aurai bien cachés, nous nous amuserons de leur joie, et peut-être afflueront des souvenirs de chasses aux œufs lorsque nous-mêmes étions enfants. Alors nous serons émus.