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le carnet vert
17 mars 2009

au fond

J’ai tressailli. Je me suis surpris à tressaillir. On a de ces gestes incontrôlés, parfois. Ce qui n’empêche pas d’en avoir conscience. Parfois.

On avait réuni le service pour un speech ennuyeux à propos de développement durable. C’est devenu la grande mode, et ce n’est sans doute pas une mauvaise chose, que les entreprises se penchent sur la question des économies d’énergie, de la couche d’ozone, etc… Alors pourquoi pas la mienne. Quoi qu’il en soit, c’est une mode. Avec tous aspects comiques de la chose.

On nous avait donc réunis, et on écoutait sans écouter le baratin de circonstances, vous savez ce que c’est, ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir captiver un public pendant quelques minutes, alors dans la majorité des cas on perd vite le fil, ça ronronne doucement et pendant ce temps on pense à ce qu’on va manger ce soir… jusqu’à ce que, paf, un mot enregistré sans avoir été à proprement parler écouté déclenche soudain une sorte de réflexe pavlovien. C’est pourquoi j’ai tressailli.

On voyait, on entendait plutôt, sans réellement les voir ou les entendre, des enregistrements vidéo de témoignages et de péroraisons d’experts, et il y avait justement une femme, directrice de je ne sais quel organisme, qui assenait ceci et cela en ponctuant son discours de l’expression « au fond », je ne me suis pas amusé à les compter, j’ai passé l’âge, mais je vous assure que ça partait de temps en temps en salves, et il y en avait peut-être bien une vingtaine, susurrés en moins de deux minutes, des « au fond ».

Bon, je ne suis pas une grenouille de laboratoire, alors je n’ai pas tressailli au premier « au fond », ni à chacun d’eux, c’est plutôt l’idée de la répétition, l’idée que cette femme se gargarisait de cette expression, qui me ramenait soudain sur les bancs du lycée, dans un temps où l’un ou l’autre professeur déblatérait en émaillant son discours de cette même expression, et moi je faisais (honteusement je le confesse) partie de cette frange d’élèves que les cours ennuyaient par principe, et qui passaient le temps tant bien que mal au fond de la classe à griffonner sur les pupitres ou à jouer au morpion en priant le ciel que le prof n’ait pas la fâcheuse idée de m’interroger. Alors quand résonnait ce « au fond », qui n’avait pourtant rien à voir avec ma situation géographique dans la classe, mais n’était qu’un malheureux tic de langage, je blêmissais soudain et transpirais à grosses gouttes. On a les faiblesses qu’on peut.

Au fond j’étais bien content qu’un discours ennuyeux me permette d’évoquer ainsi un passé lointain avec un regard somme toute attendri.

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Commentaires
S
Oui, au fond, ça t'a permis de faire une note !<br /> mdl
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