oisiveté
Le lieu est plaisant. Embusqué au coin de la rue de la Butte aux Cailles et d’une autre petite rue charmante, le clin d’œil aux couleurs vives est une invitation à entrer.
L’Oisive-thé.
D’ordinaire je ne raffole pas de ce genre de jeux de mots en guise d’enseigne, mais là, j’avoue, ça m’incite plutôt à rêver. En tous cas ça sonne moins ballot que le nom de ce salon de coiffure aperçu récemment, Diminue Tifs.
Je ne sais pourquoi, mais oisive me fait penser à oiseau. Je m’imagine déjà quelques mois plus tard, où hirondelles et martinets fendraient en sifflant un ciel limpide. Je ne sais même pas s’il y a des hirondelles à Paris, j’avoue que je n’ai pas fait attention. Ce qui est sûr, c’est que dans ma campagne, on en voit beaucoup moins. Plus aucune ne vient nicher dans les dépendances de la maison. C’est plus propre, mais c’est dommage quand même. Peut-être que j’ai cette idée d’oiseaux parce que je reviens d’un bref séjour sur la côte, dans un lieu où mouettes et goélands ne cessent de tournoyer en criant, et s’élancent parfois vers le large en un mouvement majestueux.
Revenons à l’Oisive thé. On l’aura deviné bien sûr, il s’agit d’un salon de thé. Un endroit paisible et apaisant où on sert des breuvages de qualité, qu’on peut accompagner d’une part de la pâtisserie du jour ou de tartines servies avec du beurre et de la confiture maison. Je n’en ai rien fait évidemment : je décrète parfois que je suis au régime. Enfin que je fais attention.
L’oisive (thé), cet adjectif au féminin suggère que le lieu s’adresse volontiers à une clientèle féminine. C’est le cas de la plupart des salons de thé, je sais bien, mais là plus qu’ailleurs, je me sens… comment dire ?.... oui c’est ça : invité. D’ailleurs je laisse Elle payer les consommations (qui nous paraissent plutôt moins chères qu’ailleurs dans la vile). Bien entendu le salon est tenu par une équipe de jeunes femmes fort sympathiques. Quant à nous, nous entamons un va et vient rigolo en direction des toilettes, non pas que le thé produise des effets aussi rapides, mais parce que le réduit est pourvu d’une ingénieuse porte coulissante séparant wc et lavabo que nous nous plaisons à examiner sous toutes les coutures.
Tout en sirotant mon lapsang souchong j’oublie mon délire sur les oiseaux, je m’efforce d’ignorer la porte coulissante, et je me mets à penser à l’oisiveté. Je tourne et retourne ce mot dans mon crâne. Me fait-il rêver ? Je n’en sais rien. J’ignore encore de quoi il s’agit. Je me projette dans un avenir un peu vague, disons dans dix ans, et je me demande ce que sera la vie sans obligations professionnelles. M’inviterai-je alors souvent dans l’univers féminin des salons de thé ? Allez savoir…