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le carnet vert
15 décembre 2006

douzième

Si j’habitais un douzième étage (non pas que j’en aie particulièrement envie, non, je suis habitué à des hauteurs plus modestes), si j’habitais un douzième étage, disais-je (je dis douzième par référence à ce douzième où nous avons été invités, mais je pourrais aussi bien évoquer un treizième ou un onzième, la problématique serait la même)…. Je reprends. Si donc j’habitais, mettons, un douzième étage, je passerais un temps incommensurable accoudé au balcon, à observer la ville respirer, à deviner au loin les campagnes, les fleuves, les montagnes. Tiens, et bien c’est marrant, maintenant que j’y repense, que je ne suis plus au douzième étage, que je ne suis pas accoudé à un balcon vertigineux, ni même embusqué derrière une baie vitrée (ceci pour les moments hivernaux pendant lesquels on n’a nulle envie de s’accouder au balcon, même si le temps est avenant, même si on devine sans problème les campagnes, les fleuves et les montagnes, au-delà du halètement de la ville ; parenthèse dans la parenthèse, si je puis dire, il eut même été imprudent, en ce samedi de décembre où la grande ville et les cités adjacentes se paraient spécialement de lumières, de s’accouder au balcon, au risque de faire tomber les traditionnels lumignons allumés pour l’occasion), je me trouve incapable (non je n’ai pas perdu le fil, eh eh) de déterminer si le regard (enfin le mien) portait directement le plus au loin possible, là où on n’est jamais bien certain, si peu que la météo soit quelque peu troublée, de distinguer vraiment la limite entre les nuages et les montagnes, ou alors, si le regard, le mien, plongeait au pied de l’immeuble (non, pas au pied de l’immeuble, un peu plus loin quand même, disons sur les maigres bosquets qui semblent lutter contre la hauteur désespérante des immeubles du quartier, pensez : plus de douze étages, pour certains d’entre eux). Enfin on voit par là que c’est une question d’angle de vue. A moins que ce soit une question d’habitude, genre regard fier porté droit devant, proche de l’horizontale, contre regard modeste visant le sol. Bref on va dire, bien que je ne me souvienne plus de ce que j’ai fait exactement, même si je l’ai fait plusieurs fois, et même de façon, comment dirais-je, machinale, voire compulsive, vous comprenez, quand je prends de la hauteur, que l’œil voit loin, je peux difficilement m’empêcher de me gaver de la vue,… Donc… arbitrairement, a posteriori, je décide que j’ai d’abord regardé au loin, puis que mon angle de vue s’est ensuite progressivement incliné verticalement, jusqu’à venir presque caresser la paroi vertigineuse surmontée du balcon sur lequel je n’étais pas accoudé, pour deux raisons, d’une part il faisait froid et donc je préférais me contenter de regarder par la fenêtre, d’autre part, je l’ai dit, sur le bord du balcon étaient alignés des dizaines de lumignons allumés spécialement la veille de manière commémorative, qui seraient tombés à coup sûr douze étage plus bas, si par inadvertance j’avais eu l’idée saugrenue de m’accouder là. L’explosion de couleur qui en aurait découlé, quelques trente mètres plus bas, n’aurait peut-être même pas été perceptible, du moins pour des yeux miros comme les miens, le jeu n’en valait donc pas la chandelle. Par la fenêtre du douzième étage, je regardais au loin, je voyais des variations de gris assez mouvantes (il ne faisait pas beau) que j’assimilais à des bancs de nuages, ou de brouillard, enfin bref d’humidité, encore que par endroits ce n’était pas facile de faire le tri, d’aussi loin, entre ce que je supposais être des nuages, et ce qui pouvait être les fumées délétères échappées de raffineries, d’usines, ou de centrales électriques quelconques. Je regardais un peu plus à droite, et je voyais des sommets de taille modeste, mais qui paraissaient néanmoins chauves, qui se paraient parfois de larges zones lumineuses, presque dorées, alors je levais les yeux vers le ciel et je cherchais la petite tache de ciel bleu à l’origine de cette danse colorée. Ensuite mon attention se portait un peu plus près, devant les sommets ronds et moirés, sur la grande ville bizarrement aplatie, vue d’ici, hormis ce bête immeuble incongru en forme de crayon, ça me faisait rêvasser longtemps, parce que c’est peut-être beau une ville la nuit, mais c’est beau aussi de jour, je le jure. Je mettais un point d’honneur à débusquer la grande roue qui trône fièrement sur la plus grande place de la grande ville, une grande roue très haute, comme toutes les grandes roues, même qu’heureusement que ça ne tourne pas vite, parce que compte tenu de la hauteur, c’est bien assez vertigineux comme ça. De mon point de vue, situé quelque part sur un douzième étage, cette impressionnante grande roue paraissait toute petite, comme collée comme un gros insecte sur le côté d’un immeuble semblable au mien (enfin celui qui m’accueillait, je ne vais quand même pas me l’approprier), ça tombe d’ailleurs bien que je l’aie vue la veille au soir, tout illuminée, et donc plus facile à repérer, car autrement elle serait bien difficile à identifier. Sur l’autre joue de l’immeuble affublé de la grande roue, enfin plus exactement entre cet immeuble et un autre (le regard porte moins loin, maintenant que l’attention a été fixée sur un immeuble du quartier, il condescend à se montrer moins altier) je distingue une surface grisâtre d’un gris plus clair que le reste du gris, et légèrement miroitante, que je suppose être une petite portion du fleuve, ce que veut bien me confirmer la présence d’un pont. Devant, plus près, un bosquet qui abrite peut-être, allez savoir, les tourterelles qu’on entend roucouler au réveil, puis une vaste étendue vide, que le lendemain je verrais accueillir le marché, ses cris, ses odeurs. Sur le côté droit, des enseignes lumineuses pas encore allumées, celles de grandes surfaces dédiées à la chaussure bon marché, et celles d’un temple de la restauration rapide, berk… et mince alors, le charme est rompu. Si j’habitais un douzième étage, je ne me lasserais jamais de regarder dehors, au loin, moins loin, j’y passerais même, je le sais, un temps incommensurable.

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Commentaires
J
J'ai habité un douzième étage.<br /> Pendant plus de vingt ans. Un douzième étage animé, en plein Montparnasse...<br /> Le regard était lointain, mais finalement c'était toujours vers le sol qu'il revenait. Vers les gens, le mouvement, la vie.<br /> Maintenant, quand j'y retourne, j'ai le vertige.<br /> Et c'est ma fille qui se fait son cinéma du 12ème étage.
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P
Pralinette, je nous y ai vu ensemble !
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P
Bon ça va que je connais l'endroit dont tu parles paskavec toutes tes parenthèses, bonjour la concentration ! mdlll<br /> Je m'y suis vue sur ce balcon et j'ai suivi ton regard partout où il s'est porté.
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L
J'ai habité au 7ème étage d'un immeuble de la région parisienne (Argenteuil pour être précise).<br /> J'avais 9 ans.<br /> <br /> Tout d'abor, je ne me suis pas approchée du bord, de peur de tomber.<br /> Mais ma curiosité étant la plus forte, j'ai approché mon museau du bord du balcon, tout en laissant mes pieds bien près de la porte-fenêtre... et là ... à mes pieds le toit de mon école, des enfants tous petits qui jouaient dans la cour ...<br /> mais surtout, au loin, droit devant ... Paris ...<br /> que l'on voyait avec à droite le Mont Valérien, à gauche le Sacré Coeur ... et au milieu la Tour Effel et même le toit de l'Arc de Triomphe !<br /> <br /> Le meilleur moment .. les 13 et 14 juillet ou le ciel s'embrasait d'une multitude de feu d'artifice !
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S
Le mien de regard, il porte toujours plutôt loin, pour assayer de débusquer le Mont Mézenc qui apparait derrière le Pilat par les jours de temps clair, pour deviner les villages des monts du lyonnais accrochés sur les pentes; ou alors de l'autre côté sur les Alpes, sur la chaîne de Belledonne ou la Chartreuse, espérant un jour pouvoir reconnaitre tous les sommets qui pointent vers le ciel !
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