tapis de cartes

23 octobre 2006

Quand le repas prenait fin, il faisait nuit.

Parfois nous sortions marcher un peu dans les rues désertes. Nous remarquions que les murs renvoyaient encore de la chaleur subie dans la journée. D’autres fois nous nous installions à la terrasse du bar Matarraña. Nous nous détendions. Dans le journal, nous vérifiions sur les cartes météo la permanence du beau temps, et nous déchiffrions tant bien que mal les résultats de l’étape du Tour de France. Nous commandions de la bière San Miguel ou des cuba libre. Les enfants entraient choisir des glaces, et nous les voyions revenir en suçant extatiquement ce qui nous semblait être un surprenant échantillon de produits chimiques. Il se trouvait toujours l’un d’entre nous pour s’esclaffer et dire que ces glaces étaient produites par l’usine mystérieuse, sur la route d’Alcañiz, d’où on voyait souvent s’échapper des fumées d’une couleur jaune assez suspecte.

Ils restaient à tourner autour de nous en suçant leurs horreurs poisseuses, jusqu’à ce que nous sortions notre jeu de tarot et que nous nous décidions à les envoyer chercher le tapis de cartes. Le moment tant attendu était arrivé : ils se précipitaient à l’intérieur du bar en s’exclamant tous à la fois « tapete ! tapete ! ». Pour eux, il convenait d’entendre « t’as pété », bien évidemment. Ayez envie de rester discrets dans ces conditions.

Plus tard, lorsque notre partie de tarot battait son plein tout en éveillant vaguement la curiosité des autres consommateurs, les gamins disparaissaient comme par enchantement, et on entendait de temps en temps leurs rires résonner au fond de l’une ou l’autre ruelle. Parfois ils se joignaient à ceux du crû, avec lesquels ils s’entendaient comme larrons en foire malgré la barrière de la langue pour faire des âneries, comme par exemple déloger à coups de pierres les dragons qui grimpaient lestement sur les façades.

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