train de nuit
Enfant, je parvenais rarement à dormir dans le train. Alors, pour les départs en colo, alors que nous voyagions de nuit, je me débrouillais toujours pour être assis à côté de la fenêtre.
A l’heure très matinale où les rires se taisaient, où les odeurs de biscuits s’estompaient, les paquets vides de petits beurres ayant honteusement été jetés par la fenêtre, laissant ainsi entrer les miasmes métalliques émanant des boggies, les autres enfants semblaient enfin s’être endormis, et moi qui restais éveillé, je soulevais le rideau estampillé SNCF et je me laissais aller à la rêverie.
Cela se produisait toujours après le long arrêt en gare de Livron. Nous nous intéressions un moment aux wagons frigorifiques stationnés sur les voies de triage (j’avais un copain prénommé Stéphane que ça faisait marrer), et puis comme rien de notoire ne se passait, le sommeil gagnait peu à peu les compartiments. Quant à moi, j’étais fier de rester éveillé, je faisais la vigie, en quelque sorte.
Tandis que le convoi ahanait en gravissant les Préalpes, je soulevais le coin inférieur du rideau lie de vin, je collais mon front sur la vitre à la propreté pourtant douteuse, et je contemplais le défilement en masses sombres des montagnes se détachant d’un ciel palissant. La nuit finissante les emplissait d’un mystère un peu angoissant, comment dire, le mouvement du train les animait de soubresauts menaçants, de glissements furtifs, elles prenaient vie, et cela m’effrayait et m’attirait tout autant.