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le carnet vert
4 septembre 2006

les combes

J’ai complètement oublié quel hasard nous avait menés là, la première fois. A la ferme des Combes. Je me souviens seulement qu’il fallait monter par la route très étroite qui mène à Saint-Jean du Gard, en passant par des montagnes couvertes de broussailles et de châtaigniers. Je n’ai même plus en tête l’image de l’endroit du bourg où cette route prenait son envol. Perdus dans le silence des collines et les senteurs épicées telles qu’on n’en trouve que dans les Cévennes, nous devions à un moment prendre un petit chemin, j’imagine, qui serpentait dans les sous-bois, et marcher longtemps pour atteindre une clairière au fond de laquelle s’ouvrait la ferme. A quoi ressemblait cette bâtisse ? Je l’ignore maintenant. Je sais seulement qu’il y avait cette clairière, ça j’en suis sûr. Je sais aussi que les habitants du lieu étaient avenants et que, par la suite, nous venions régulièrement leur acheter des pélardons. C’est ma mère, sans doute, qui la première fois avait ouvert le contact. Elle était la voix de la famille. Et les années suivantes, le temps que la fermière nous prépare ses fromages, je donnerais ma main à couper qu’étaient échangés des résumés circonstanciés des mois écoulés.

C’est étrange : je pense à cette ferme alors que mon souvenir d’adolescent n’en a pas conservé la moindre image. Je me rappelle une chose pourtant. A proximité des Combes, de grands pins agitaient leurs hautes silhouettes dans le vent, et au sol on ramassait quantités de leurs énormes cônes, dans lesquels j’avais plaisir à découvrir les petits fruits oblongs dont il fallait casser l’écorce très dure avec beaucoup de précautions. Je dénichais un schiste à peu près plat, j’y posais un pignon, et muni d’une autre pierre, je frappais doucement le fruit jusqu’à ce que les deux morceaux de la coque se séparent proprement. Je cassais ainsi un à un chacun des pignons trouvés et je les partageais entre nous. Seul mon père les dédaignait. J’avais les doigts recouverts d’une poudre marron foncé, et malheur à moi si machinalement je m’étais essuyé les mains sur mes vêtements. Je dois avouer que j’ai l’impression de ne jamais avoir par la suite dégusté de pignons aussi suaves que ceux trouvés dans la montagne. C’est d’ailleurs bien plus tard que je me suis rendu compte qu’on en décelait parfois sur les marchés, importés d’Espagne la plupart du temps. Je n’ai alors pas résisté au désir de réveiller cette saveur oubliée, mais jamais avec autant de plaisir. Il manquait le parfum des grands pins et le chant envoûtant de leurs hautes cimes agitées par le vent.

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Commentaires
D
Les souvenirs d'odeurs sont les plus tenaces et les plus surprenant<br /> Il paraît presqu'impossible de revivre exactement la même chose.
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M
j'y suis allée avec mes parents , aujourd'hui disparus, précisemment à St Jean de Gard et à Anduze, j'ai gardé un merveilleux souvenir de cette région lié au souvenir de mes parents , ce fut des moments magnifiques qui restent au fond de mon coeur à jamais. Et je n'y suis jamais retournée sans doute pour garder intact ces moments. Tes lignes ont fait ressurgir ces instants.......
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C
Qu'elle est belle, cette dernière phrase...
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S
ah tu vois ! <br /> <br /> Et un fendu , un !<br /> :-)
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P
ah oui, tiens, je n'en ai pas parlé des coups de pierre sur les doigts. Encore un oubli !
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