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le carnet vert
3 septembre 2006

passerelle

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Nous avions déjà beaucoup marché, rendez-vous compte, alors nous pouvions bien nous accorder une pause conséquente, le temps de siroter une bière fraîche à une terrasse du quai de la Tournelle. Oui rendez-vous compte, nous étions partis de Belleville, montés en louvoyant en haut de Ménilmuche et redescendus, à nouveau par Belleville, où hélas le restaurant sur lequel nous avions jeté notre dévolu était comme par hasard fermé pour congés annuels (je passerai sous silence les nourritures plus que quelconques sur lesquelles nous nous étions rabattus, il faut reconnaître que par certains aspects Paris est un peu pénible au mois d’août), puis par République, Bastille, le marais, et l’Ile Saint-Louis. Ça fait une trotte, je vous assure. Et nos amis avaient prévu le coup, équipés comme ils étaient de leurs croquenots de marche. C’est d’ailleurs l’un d’eux qui a eu l’idée, tandis que nous sirotions nos bières sur le quai de la Tournelle, d’aller voir la nouvelle passerelle. Une passerelle dédiée à Simone de Beauvoir, et qui constituait le trente-septième pont de la capitale, comme nous l’avons lu sur la plaque commémorative.

Nous discutions à bâtons rompus, et bon sang dieu sait d’où vient cette expression bizarre, je ne vois pas a priori de rapport entre une discussion et un bout de bois cassé, nos verres avaient fini par se vider, je les avais même photographiés en cours de route, alors, mû par je ne sais quel courage soudain, je m’étais levé pour donner le signal du départ. Un nouveau départ pour lequel, force est de le reconnaître, je me sentais les jambes plutôt lourdes.

Lorsque nous avons mis le pied sur le quai pavé, de gros nuages noirs s’amoncelaient de toutes parts, il devenait évident que ce soir-là encore nous aurions droit à un orage. Mais j’étais paré, j’avais mon superbe parapluie en bandoulière. Oui, c’est un parapluie exprès pour la randonnée, couleur camouflage, et qui peut se porter en bandoulière. Évidemment quand il est 17 heures ou à peu près et que tu trimbales ça depuis le matin, en plus d’un sac, ça commence à tirer un tantinet. Enfin bref. Cette promenade sur le quai m’incitait à faire des images des péniches, des pavés, des flaques, du dessous des ponts. Au niveau de la gare d’Austerlitz j’ai mitraillé les immeubles de verre et d’acier de l’autre rive. Plus nous approchions de la bibliothèque, là où se situait la passerelle, plus les tentes occupées par les sans-abri devenaient nombreuses. Personne ne nous a interpellés, mais n’empêche, côtoyer ainsi la misère, à chaque fois, me met extrêmement mal à l’aise.

Sans transition ou presque, nous sommes passés de sombres locaux de béton béants et sentant la pisse au dernier bastion provisoire de Paris-Plage, où, ignorant la météo maussade, s’ébattait et se prélassait la jeunesse dorée, juste au pied des mégalomaniaques livres ouverts abritant la mémoire du pays. Et juste sous la fameuse passerelle. Qui ma foi valait bien que nous poussions jusque là. J’ai un peu traqué la géométrie, sur la passerelle elle-même, et aussi sur le parvis immense de la bibliothèque. Je ne suis pas un fervent admirateur des immeubles de verre et d’acier, je les trouve particulièrement froids, il n’empêche qu’ils sont néanmoins photogéniques et qu’ils permettent donc quelques exercices de composition. L’impression de froideur distillée par le gigantisme des lieux était renforcée par la noirceur d’un ciel tourmenté duquel s’échappaient parfois quelques grondements sourds.

Tandis que le vent se renforçait de manière angoissante, nous avons emprunté la passerelle pour gagner le parc de Bercy, puis la gare de Lyon, où nous quittâmes nos amis. Elle et moi trouvâmes place à l’arrière d’un bus 57 qui nous ramena à proximité de notre domicile. C’est à cet instant, alors que fourbus nous gisions sur le futon, que l’orage pensa enfin à se déclarer et même à se déchaîner.

De la journée, pourtant, je n’avais pas ouvert mon parapluie.

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Commentaires
B
la passerelle on a le coeur qui chavire...
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B
Sacrée balade pédestre !
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P
Oui elle est belle cette passerelle, normal si elle est dédiée à Simone de Beauvoir.<br /> Phil, tu connais certainement mieux Paris que certains parisiens ou banlieusards, et en plus tu en parles fort bien !<br /> Blavo et melci :-)
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S
Avec plaisir !<br /> :-)<br /> <br /> Alors, comment allait Louis ? <br /> ;-)
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P
Un jour viendra...<br /> :-)
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