trois grands pins
Un jour je ne verrai plus la beauté du monde. C’est une évidence. C’en est une pour chacun de nous. Voilà ce qui me vient à l’esprit alors que nous sommes partis de la maison il y a cinq minutes. Entre parenthèses je suis fort aise de constater que, même à sept heures et demies du matin, un jour de boulot ordinaire, je ne suis point trop ensuqué puisque j’en suis à m’émerveiller de la beauté du monde.
Nous tournons à gauche, dans une route infime que ne figure peut-être même pas sur la carte, afin de rejoindre la nationale. Nous passons devant une ferme dont la façade est encore assaillie par les roses trémières. Puis nous atteignons la lisière du bois. Et c’est là que la beauté. Le soleil encore bas illumine les troncs. Un peu à gauche, je remarque trois grands pins, dont l’écorce rougeoie dans le levant, en un éclat différent de celui des autres essences. Il n’y a rien là de particulier. Juste ces pins. Et la beauté du monde. Ce que je reçois comme un coup au plexus. De plein fouet. Et qui me remplit de bonheur pour la journée.
Et en même temps je suis malheureux. Ou bouleversé. Je ne sais pas comment dire. Parce que je sais qu’un jour je ne verrai plus la beauté du monde. Ni les trois pins. Ni l’incroyable tapis de cyclamens jonchant le sous-bois en cette saison, ni quoi que ce soit qui me donne envie de dégainer mon reflex.
5 septembre 2011