papier
J’ai acheté un carnet vert. Un nouveau. Un carnet vert et vierge. Je veux dire, mon carnet vert nouveau est en ma possession depuis un mois et il est encore vierge.
C’est qu’il me faut être sûr.
Ce n’est pas un carnet pour écrire n’importe quoi. Je dois lui trouver une utilité. Une destination.
Ah oui, tiens, une destination. Des destinations. Des lieux. Les vrais lieux que j’aime. De ceux que je peux n’avoir connu que fugitivement, quelques minutes, quelques secondes. De ces endroits qu’on veut ancrer en mémoire, tel des balises.
Encrer et ancrer.
N’est-ce pas un beau programme, pour un carnet vert ? Une belle promesse de vie.
Ça commencerait par une ascension vers le ciel, peut-être. Ou deux de ces ascensions. Au propre comme au figuré. J’y évoquerais ma grande joie lors de la découverte de vieilles pierres émouvantes. Ou alors une randonnée vers un sommet escarpé, le bleu du ciel à portée de main.
Mon carnet vert n’est pas n’importe quel carnet. Il est fait de ce papier inimitable, un peu gaufré, incrusté d’infimes pétales séchés. Je me souviens du moulin à papier. Je me souviens du chant des eaux qui font tourner les roues et frapper les presses. Je me souviens du geste magique de l’artisan sortant le tamis chargé de pâte. Les enfants s’y sont essayés, il y avait un atelier pour eux. Et plus tard, la feuille qui sèche doucement dans le fond d’une chambre fraîche.
Mon carnet est fait de ce papier là. J’y ai vu les mains de l’homme. C’est pourquoi il est précieux.