fête de la musique
Clémence n’aurait jamais imaginé qu’elle montrerait ses seins à la foule, surtout là, en plein centre ville, devant Notre-Dame. C’est pourtant ce qui est arrivé.
Ça faisait déjà une bonne heure que les gars tapaient comme des sourds sur leurs percussions. Les gens avaient fait cercle autour d’eux, et peu à peu le cercle s’était agrandi. Les gars avaient tapé de plus belle. On sentait bien que petit à petit ils se libéraient, qu’ils étaient pris par le rythme. Un léger sourire extasié se dessinait sur le visage en sueur de Sébastien.
Des enfants gesticulaient au milieu, sans doute ceux d’une des classes qui avait organisé un atelier danse africaine.
Clémence était assise sur le pavé, au premier rang des spectateurs, en compagnie de ses amies Charlotte et Karine. Cette dernière s’était déjà changée depuis un moment, elle était pied nus et, debout, elle vibrait en cadence, sans toutefois se décider à montrer aux gens ce qu’elle savait faire.
Face à elles, de l’autre côté du cercle, une grande fille blonde semblait prise par la musique et oscillait au rythme des tambours, son sac toujours sur l’épaule. Clémence se demanda si cette fille était captive de la pulsation, comme elle-même commençait à l’être.
C’est toujours la même chose, pensait-elle, au début on est à l’extérieur, on écoute les instruments, on regarde les mains, on cherche à capter quelque chose sur les visages des musiciens. Et puis soudain tout bascule. On est pris. Clémence sentait bien ça. Elle était prise. Elle avait la sensation de faire corps avec la terre, de vibrer avec le pavé de la place. Dans un premier temps c’était une vibration quasi immobile, et qui soudain prenait son essor, alors Clémence se sentait légère, elle devait se libérer des chaînes qui la retenaient encore au pavé, à la foule tassée autour d’elle et qu’elle ne voyait déjà plus, tout entière absorbée par la transe.
De ses yeux ouverts qui ne voyaient plus, Clémence remarqua tout de même comme un appel dans le regard d’Alexis, elle pensa que c’était pour elle seule qu’il frappait son tambour, à l’unisson des autres. La musique s’emparait progressivement d’elle de plus en plus étroitement, elle la confondait avec la pulsation du sang dans ses tempes, peut-être était-elle en sueur. Soudain elle n’en pouvait plus de rester assise. Sans même maîtriser le mouvement qui l’entraîna, elle se retrouva seule sur le pavé, devant tous les spectateurs, à se déhancher, à frapper le sol du pied pour mieux rebondir. On ne pouvait pas dire que cette danse était gracieuse, non ce n’est pas le mot, c’était une danse, comment dire, habitée, voilà.
La transe de Clémence dura cinq bonnes minutes avant qu’on la rappelle à l’ordre, tandis que les gars frappaient comme des sourds sur leurs percussions, tandis que Sébastien souriait d’un air extasié, tandis que la foule indulgente souriait aussi, tandis que la fille blonde continuait de se déhancher avec son sac à l’épaule. Tandis que les photographes amateurs avaient de bonnes raisons de déclencher et de déclencher encore. C’est long, cinq minutes, quand dès le début vos seins ont jailli librement hors de votre bustier et que vous ne vous en êtes pas aperçue.