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le carnet vert
14 juin 2009

mousseline

Le premier de la famille à venir nous rendre visite là-bas (hormis mes parents et Jean-Bernard, qui nous avaient aidés à déménager, et rien que ça, ça pourrait bien valoir quelques lignes dans ce carnet), le premier de la famille, disais-je donc, ce fut mon cousin Jean-René.

Il était peut-être bien le premier tout court à se risquer, même.

Je parle de ça, hein, ce n’est pas d’hier.

C’était notre premier chez nous, à Elle et à moi. Plus de trente ans de ça. Vingt dieux, quand on y pense. On portait encore les cheveux longs. Enfin mon cousin. Parce que moi je venais de finir mon service, la quille, bordel.

Je dis risquer, c’est histoire de causer, remarquez. Parce qu’on ne craignait pas grand-chose, à vrai dire. Honnêtement. Nous étions des gens doux, Elle et moi. Des gentils. Nous le sommes toujours, je pense.

Avec nous on ne craignait donc rien.

Quoiqu’en cuisine…

Parce qu’en ce temps là, je ne savais pas encore ce qu’était une cuiller en bois et une mandoline n’était qu’un instrument de musique à cordes désuet. Je n’approchais le fourneau qu’avec circonspection, et comme nous avions une idée très novatrice des rôles dans le couple, c’est Elle qui s’y collait. Mais tout ça allait changer.

Toujours est-il que ce soir-là, avec Jean-René, on a fait une salade en entrée, avec du pâté sur des tartines, et puis après j’ai fait des tranches de jambon blanc, ce n’est pas dur à faire, avec du beurre sur des tartines, et avec ça, Elle s’est mis dans l’idée de nous faire des légumes, en l’occurrence un paquet de purée mousseline de chez mousseline. Avec du beurre sur des tartines. Et bien on me croira si on veut, parce que je sais, c’est difficile à croire, mais elle l’a ratée. La purée mousseline. Quand je dis ratée, je ne parle pas d’éventuels grumeaux qu’on aurait évacués avec indulgence, non. Ratée, ça voulait dire qu’il aurait fallu disposer d’un instrument, comment dire, percutant, voilà, pour l’entamer, genre un pic à glace ou un piolet, parce que sa purée, c’était du béton armé. Sans déconner. Je ne sais pas comment elle a fait ça. Si j’avais su, j’en aurais gardé pour fixer la barre de ma porte de grange. Bon. J’ai préféré le ciment prompt. On manque d’inventivité parfois. Heureusement qu’il y avait du beurre et du pain pour faire des tartines. Et il restait même du pâté.

Le dessert ? M’en souviens plus.

C’est bizarre, parce que Jean-René, tout mon cousin qu’il soit, et bien on ne l’a jamais revu. Après. Je veux dire on a complètement perdu sa trace. Vrai. Il s’est évaporé dans le paysage. C’est assez salaud quand on y pense, parce qu’on n’est pas des sadiques, Elle et moi, et on n’aurait pas forcément essayé de le réinviter à manger. Et puis, le cas échéant, il y a des restaus, en ville, des traiteurs, des marchands de toutes sortes de victuailles qui peuvent dispenser de s’enhardir à préparer des choses soi-même. Et puis on aurait acheté du beurre et du pâté. Pour les tartines.

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Commentaires
F
J'ai déjà raté de la purée, mais j'avais l'excuse de n'avoir que 12 ans ;)<br /> <br /> Très drôle, ce texte!
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T
Merci de nous faire sourire Phil! Même si en lisant, je me disais qu'il y a trente ans, j'ai raté aussi des pommes de terre!
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P
Palinette, c'est bien possible ...<br /> <br /> Stipe : merci beaucoup :-)
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S
ce texte est un régal et n'a rien d'indigeste :)
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P
Si ça se trouve il ne s'en est pas relevé, le cousin !!
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