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le carnet vert
16 mai 2009

de l'écriture

Il y a quelques mois, dans le cadre d’une note publiée ici, j’avais écrit ceci :

« Les mots du passé tissent des histoires qui ne seront pas publiées, des trames où s’entrecroisent les fils du vécu avec ceux du rêve.

Les mots ne seront pas publiés parce qu’ils sont devenus futiles.

Par exemple Je (le mot, une jeune femme) : est-elle folle ? Bien sûr que non. Juste assez dérangée pour être l’hôtesse d’un établissement psychiatrique. Juste assez sage pour s’en échapper, et s’enfuir en Italie, laissant derrière elle son enfant. Son corps se crispant encore dans des accès de rage. Son geste le plus fou, penchée à une fenêtre d’un étage élevé, faire tournoyer son appareil photo en le tenant par la courroie et finir par le fracasser sur le mur. Son geste le plus sage, encore ne s’agit-il pas d’un geste à proprement parler, un état plutôt, de la détente, tandis qu’elle écoute un enregistrement de son père au piano scandant une reprise du Caravan de Duke Ellington.

Que sait-il exactement, celui qui peint les mots, des jeunes femmes dépressives qu’on conduit un jour dans un établissement psychiatrique ? Rien, évidemment. C’est pour ça que c’est futile, ces mots qu’il pose sur le papier au format ordinaire. Des mots qu’il peint, se plait-il à dire. C’est ce qu’il se dit, que les mots sont futiles, ceux qu’il pose tels des papillons sur les pages blanches. C’est pourquoi un beau jour les feuilles blanches sont enfermées à jamais dans des chemises cartonnées gisant derrière des livres poussiéreux. C’est pourquoi les crayons ne sont plus taillés non plus. »

Le texte que j’évoque, rédigé il y a une quinzaine d’années, n’a jamais été terminé pour la raison que je dis : il était devenu futile à mes yeux (et les phrases ci-dessus laissent deviner pourquoi il était devenu futile, au moins pour ceux d’entre vous qui me connaissent). D’en parler, toutefois, a ravivé en moi le plaisir que j’avais éprouvé à composer avec ces mots-là autrefois et je me dis que finalement pourquoi ce texte serait-il condamné à demeurer inachevé ? Pourquoi ne pas perpétuer le plaisir de le voir vivre ? Parce que le texte vit de sa vie propre (je ne sais pas comment exprimer cela), et, en retravaillant dessus, je suis assez étonné de constater que je suis habité par le personnage principal, qui pourtant ne me ressemble en rien si ce n’est par une ou deux petites manies décrites ici ou là.

Ce texte-ci a la dimension et la forme d’un roman. Cela reste toutefois un texte sans prétention de ma part, tout comme les notes diffusées dans le cadre de ce carnet sont elles-mêmes sans prétention. Je ne suis pas écrivain, et ne le serai sans doute jamais. Je n’ai aucune formation littéraire ni artistique. Il y a seulement que l’écriture est pour moi non seulement un plaisir mais aussi une sorte de besoin vital : l’assemblage des mots permet de cristalliser par l’assemblage appliqué des mots les minuscules scènes de la vie quotidienne qui en font la saveur ; à mon âge cela présente aussi l’immense avantage de mettre en permanence la mémoire en œuvre, ce qui du point de vue de la santé est loin d’être négligeable, il me semble.

Les motivations de chacun quant à l’acte d’écrire sont évidemment différentes. Ainsi un débat fut-il ouvert il y a peu sur un blog que je fréquente. Un participant reprochait à l’hôtesse une écriture mièvre et niaise, je crois que ce sont ses mots. Cette critique abrupte me choquait personnellement, d’une part parce que je la trouvais hors de propos (sur la « blogosphère », si on n’aime pas ce qu’on lit, on va voir ailleurs, voilà tout), et d’autre part parce que je la trouvais particulièrement injustifiée, moi qui étais justement touché par le plaisir évident que l’auteur mettait dans l’ordonnancement de ses phrases. Un détour par les pages du participant sus évoqué me permit de découvrir un langage, certes relativement poétique, mais formant des textes pour moi abstrus. La personne renforçait mon impression en arguant que ses textes étaient, si j’ai bien compris, un travail sur la forme, mais étaient par ailleurs dépourvus de sens, des coquilles vides en quelque sorte. Personnellement je pense (pour ma propre écriture) que la forme est effectivement l’élément essentiel, mais je ne dois jamais oublier qu’elle ne fait qu’habiller une idée, une image, une impression, une histoire, enfin quelque chose qui fait sens, sinon la lecture par autrui est impossible.

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Commentaires
P
Med celine : je ne dois pas changer de couleur, donc. Ton commentaire me touche vraiment beaucoup.
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M
Je crois savoir qui est ce mystérieux dresseur de coquilles vides... ;-))<br /> Je me retrouve parfaitement dans tes mots, à savoir ce besoin d'écrire, sans avoir reçu de formation littéraire ou artistique. Les mots que nous déposons sur nos blogs sont l'expression de l'instant, d'une tranche de vie, avec ses hauts et ses bas. Rien de plus en ce qui me concerne. Parfois, l'inspiration se fait muse et les mots coulent de source, et d'autres fois, on peine à la tâche. Les 2 restent nous! Et le but ultime, c'est d'être bien, de se sentir en harmonie avec soi et les autres. D'ailleurs, je suis toujours étonnée en visitant un blog de réussir à "palper" une ambiance, d'en ressentir la chaleur, un esprit communicant, alors que les lettres du clavier sont toujours les mêmes chez les uns et les autres. Ici, je me sens bien, accueillie chaleureusement, en plus le vert est ma couleur préférée, alors...!! Tout ça me suffit, simplement! Merci!
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V
On peut, on peut :D
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P
Valérie, c'est une chose qui fait plaisir, ça, qu'on se sente bien chez moi !<br /> Euh, on se dit "tu", non ?<br /> :-)
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V
Ne vous sentez pas tout petit Phil, non, ne vous sentez pas tout petit.<br /> C'est ma troisième visite ici cette semaine. Je suis bien, ici... <br /> <br /> J'espère vous relire sur les défis.<br /> <br /> Bon dimanche.
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