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le carnet vert
21 avril 2009

maillot de bain

Tu as sorti le linge de la machine à laver. Tu le mettais au fur et à mesure dans la grande panière en osier qu’il faudra bientôt penser à remplacer. Elle a fait son temps. Voilà des décennies que le magasin où nous l’avons achetée a disparu. Qu’y a-t-il à la place ? Voyons… je ne sais pas. Un marchand de chaussures ou une agence immobilière, sans doute. Ce sont les seuls commerces qui prolifèrent. Remarques, si la crise se confirme, les agents immobiliers pourront vendre des agences immobilières, hein, parce que personne ne pourra plus investir dans quoi que ce soit. Déjà que je me demande depuis longtemps comment font les gens pour avoir de quoi investir, mais c’est une autre histoire.

Donc, tu mettais le linge dans la panière, direction le sèche-linge. Parce que l’étendoir, dehors, inutile d’y penser, même en rêve. Ma station météo indique un taux d’hygrométrie de 95 %. Tu m’étonnes qu’on attrape des rhumes.

Je ne sais pas pourquoi, mais sortir le linge de la machine, c’est ta première occupation du matin. Avant de déjeuner. Alors moi je bois du bout des lèvres un peu de mon jus de pamplemousse en t’attendant. Parce que j’aime bien que nous soyons au même rythme pour déjeuner. A moins que j’use d’un subterfuge et que je me sois fait une tartine supplémentaire. Ni vu ni connu, une mince couche de confiture, et hop, avalée la tartine avant que tu prennes place à notre table. Peut-être feins-tu de ne t’être aperçue de rien. Mais je ne crois pas. Car tu ne fais aucun commentaire sur ma gourmandise et comment voudrais-je perdre du poids dans ces conditions. Je te fais remarquer quand même que je ne prends ni beurre ni sucre, et j’insiste sur la minceur de ma couche de confiture.

Bref, tout en sirotant distraitement mon jus de pamplemousse, je t’observais en train de sortir le linge de la machine. Au passage tu triais ce qui ne doit pas passer dans le sèche-linge sous peine de détérioration grave. Cette fois-ci il y avait ton maillot de bain. Pour une raison inconnue tu l’as observé en transparence devant la lampe, et tu as pris une mine consternée en constatant qu’il était passablement usé. On voit tout à travers, as-tu dit. Il n’y avait rien à voir, puisque tu n’étais pas dedans, mais passons.

C’est ainsi que nous avons convenu que mardi soir, en attendant l’heure de ton cours de yoga, nous irions faire l’emplette d’un nouveau maillot de bain.

C’est toute une histoire, d’acheter un maillot de bain. Déjà, pour commencer, il faut trouver le magasin. Parce que ceux qu’on connaît, tu as décidé qu’ils sont nuls. Tu préfère aller dans la zone commerciale Machin, de l’autre côté de la ville, où nous n’allons jamais parce que c’est loin et que nous détestons ce genre d’endroits, notamment le samedi après-midi, à moins d’avoir quelques heures à perdre dans les embouteillages. Tu crois te souvenir que dans cette zone-là, il y a un Sport 2000 à côté du Fly. Autrement dit le plus loin possible. Bon prince, je t’y conduis, et nous ne pouvons que constater que si Sport 2000 il y a eu, c’est déjà de l’histoire ancienne. Il ne nous reste plus qu’à trouver le magasin de la chaîne concurrente, dont nous a parlé notre fille. En omettant bien entendu de préciser où il se nichait exactement. Ça a beau friser la mission impossible, nous savons être tenaces, et nous finissons, après quelques tours et contours, par dénicher ledit magasin derrière un vaste entrepôt de carrelages et autres matériaux pour salles de bain.

Maintenant que tu as trouvé le magasin, il faut trouver le rayon qui va bien. Nous faisons deux fois le tour avant de repérer les maillots de bain. Parce que nous nous disons que dans un magasin d’articles de sport, c’est logique, il ne peut pas ne pas y avoir de maillots de bains. Encore faut-il demander à un préposé, parce que sinon, rien de rien. Il est tout petit, le rayon, perdu entre les skis et les chaussures de tennis. Hommes, femmes, et enfants mélangés. Quant à toi, tu as des exigences. Tu veux un maillot pour le moins classique, d’une pièce, pour nager dans la piscine en te faisant remarquer le moins possible. Exit donc les échancrures intempestives. Exit les couleurs criardes. Exit même les couleurs tout court. Tu choisis deux ou trois modèles qui se ressemblent. Noirs. Avec comme seul décor le logo de la marque. Des modèles exempts de toute frivolité. Il y en a un qui arbore néanmoins un mince liseré bleu pâle. De visu, il me semble que celui-ci a ta préférence.

L’exercice suivant consiste à trouver les cabines d’essayage. Pas évident, mais plus facile quand même que de trouver le rayon des maillots de bain. Pendant que tu essayes tes trouvailles, j’entreprends de chercher quelque chose pour moi. Pas un maillot de bain, à la piscine, tu y vas toute seule. Parce que pour ce qui me concerne, sentir le chlore, avoir des yeux de lapin atteint de myxomatose et attraper des verrues plantaires, merci bien. Non, comme chacun sait, je préfère aller courir dans les bois. Ça coûte moins cher, même s’il faut s’équiper un peu de temps en temps. En l’occurrence je cherche ce qui bien sûr n’existe pas, à savoir un t-shirt à manches longues ou à manches courtes, ça n’a pas d’importance, et qui serait muni d’une poche, si possible à glissière, ou je pourrais ranger ma clé de voiture. Parce que vois-tu, le gars (ou la fille) qui va courir dans les bois commence généralement par se rendre en voiture à la lisière desdits bois. Et bien figure-toi que les caleçons, genre celui que tu m’as offert l’an dernier, et bien sûr les t-shirts, n’ont pas de poche. Même sans glissière. Jamais. Du moins pas dans ce magasin. Ce qui fait que je cours dans les bois avec mes clés de bagnole à la main, c’est hyper pratique.

Comme j’ai fait chou blanc dans mon entreprise, je te rejoins près des cabines d’essayage. Tu y es seule, hormis une jeune vendeuse qui virevolte de ci de là. Tu as senti ma présence dans les parages, aussi soulèves-tu le coin du rideau (moche) de ta cabine, et me fais signe de venir t’aider dans ton choix. Je m’exécute sans réticence, et non sans aller à ta demande chercher dans le rayon des modèles d’une autre taille. Tu enfiles, tu enlèves, tu enfiles à nouveau, et ainsi de suite. Dans la lumière blafarde de la cabine, je vois bien… je vois bien que tu as l’âge que tu as, qui est quand même un peu moins que le mien. Ne vois aucune goujaterie dans ce que je dis. Bien au contraire. Me voilà ému aux larmes, rien qu’à te voir lover ton corps dans ces bouts de tissus en plastique.

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Commentaires
B
c'est un beau beau texte de bout en bout, un de ces textes qui vous font rire, puis sourire, puis vous sentir tout chose de l'intimité dans laquelle on s'est projeté par le simple fait de lire...<br /> pour la clé...en pendentif glissé sous le t-shirt???<br /> mais...on a tous ses petits moyens, ses petites cachettes..
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P
:-)
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U
J'aime toujours autant te lire.<br /> Il y a une petite chose qui me chiffonne. La tartine du matin, même si tu la vois en double, elle ne peut te faire du tord puisque tu vas la dépenser dans la journée!Non?<br /> C'est celle du soir qu'il faut surveiller puisque cette vilaine n'étant pas dépensée la nuit ira se trouver un petit coin discret de ton corps d'athlète. <br /> Mais laissons la liberté aux tartines, confiturées ou pas!
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P
Fabeli, ton émotion m'émeut !<br /> :-)
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F
Je suis, comme Pralinette, toute émue (avec les yeux qui mouillent, voilà, c'est dit) <br /> Juste à cause de cette dernière phrase, de ces quelques mots emplis de tendresse.
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