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le carnet vert
13 janvier 2009

le parfum

Parce que j’ai lu le mot,

Savamment orné d’une discrète guirlande de courtes phrases,

Parce que je l’ai reçu, ce mot, comme il se doit,

Soit comme un présent,

Comme un nuage échappé de quelque lampe magique,

Parce que je sais l’infinitude des portes qu’il est susceptible d’ouvrir,

Il me prend l’envie de le poser là

Au milieu de l’espace blanc de mon écran,

Et de me laisser aller

Dans le flux étonnant des bonheurs passés.

Le parfum.

Tandis que la porte, triviale celle-ci, s’ouvre sur l’espace gris du bureau sous l’emprise de l’éclairage au néon, instantanément me revient à l’esprit l’image de ce mot magique lu la veille : nous sommes en janvier, ce qui signifie que quelqu’un a acheté une galette que bientôt nous partagerons. C’est indubitable. Je la sens.

Et voilà que d’autres portes s’ouvrent encore, celles du souvenir, à l’idée de l’odeur, du parfum.

Je suis toujours saisi d’étonnement en repensant au surgissement de l’un ou l’autre souvenir. Mettons qu’ils soient effectivement tapis derrière de jolies portes, des multitudes de portes. Mettons qu’un bon nombre de ces portes soient là, devant soi, à portée de vue, ou de nez. On ne peut absolument pas savoir laquelle s’ouvrira. En admettant que l’une d’elle s’ouvre. C’est une chose qu’on ne maîtrise en aucun cas.

C’est pourquoi, saisi d’étonnement, je me revois un soir d’il y a longtemps, un doux soir de printemps tandis que je m’élevais avec peine sur les hauteurs d’une ville du sud. Avais-je présumé des mes forces ? Je ne sais. Il me semble pourtant que l’ascension était interminable, alternant depuis la gare escaliers et raidillons pavés, puis serpentant entre des jardins odorants jusqu’à des vestiges antiques.

Qu’avait-elle cette ville inconnue ? Pourquoi ai-je mémorisé cette tranche de vie qui n’avait rien d’une tranche de plaisir ? Pourquoi pensé-je spontanément à cette ville-là, que je n’ai guère fréquentée, chaque fois que me viennent les effluves de certains conifères ? La première fois c’est arrivé alors que j’accomplissais mon trajet quotidien vers ma gare de banlieue ; je marchais sur le trottoir boueux, je prenais bien soin de ne pas m’approcher de la clôture d’un certain pavillon, sur laquelle, j’en étais certain, le gros chien-loup gardien des lieux allait se précipiter en aboyant et en montrant les crocs ; c’est à cet instant précis, alors que je ravalais ma crainte, que le parfum m’a frappé, celui exhalé par des arbustes qui devaient être assez semblables à ceux qui habitaient les jardins de la grande ville du sud. Le sentiment qui a surgi en moi était suffisamment fort pour que déjà j’écrive des mots à ce sujet dans mon cahier de l’époque.

On me dira : sois plus précis ! De quels conifères s’agit-il ? Je n’en sais rien : vous pensez bien que je ne suis pas allé braver le chien-loup. Et puis des arbustes étaient des arbustes, voilà tout. Et quelle est donc cette ville du sud ? Oh, ça je pourrais bien le dire, c’est sans importance, mais je m’abstiendrai néanmoins.

Je me souviens, on montait entre des jardins odorants, jusque vers des vestiges antiques, et on dominait les toits blonds.

Plus loin, on voyait la mer, qui disparaissait peu à peu dans le crépuscule.

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Commentaires
F
J'avais eu l'impression (et la fierté!) de le comprendre à ma première lecture.<br /> Je suis heureuse d'avoir un instant revêtue la robe légère de la muse ;))
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S
Ah le pouvoir des parfums....
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T
Et la galette de janvier, quand la fève y est...
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P
y a pas vraiment de hasard. <br /> C'est ton texte à toi sur le parfum qui m'a ouvert cette porte.<br /> :-)
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F
:))<br /> <br /> je parlais de porte à franchir, à l'instant, dans ma réponse à ton dernier commentaire sur le chantier. Je viens ici et que lis-je? Une histoire de porte ouverte sur les sensations olfactives...hasard...<br /> <br /> "Il me prend l’envie de le poser là<br /> <br /> Au milieu de l’espace blanc de mon écran,<br /> <br /> Et de me laisser aller..."<br /> <br /> C'est que du plaisir quand tu te laisses aller!
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