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le carnet vert
10 novembre 2008

sur la dune

Ai-je reposé là, les yeux fermés, à me laisser envahir par le murmure du vent ? Sur ce point, ma mémoire fait défaut.

Ce dont je suis sûr, c’est que TOI, tu gisais les yeux clos, le visage détendu. Oblique, car l’amas de sable était oblique. Il n’y a pas d’erreur possible, la photo ne ment pas.

Tu portais cet ensemble noir que nous avions acheté peu avant. Dans la ville, tu avais fait tienne une des boutiques de la rue principale. Nous y avions acquis cet ensemble, noir et fleuri, dans un tissu souple, un peu flottant. De la soie ? Nous débutions dans la vie, à cette époque. Avions-nous les moyens de la soie ? Peu importe. Quoi qu’il en soit, tu étais belle, voila tout, et il était important que le canon Ftb en témoigne. Tu crois que j’exagère ? Regarde…

Sur la dune, tu ne portais pas le chapeau rose que nous avions trouvé rue Sainte-Catherine. Il n’allait pas avec l’ensemble noir. Il aurait même juré, j’en suis sûr. Et puis il y avait ce vent.

Nous gisions dans le sable. J’imagine. Du sable chauffé par un doux soleil de printemps. Mais froid en profondeur. Si nous avions ôté nos chaussures, nos pieds ne pouvaient s’empêcher de fouiller le sable, et d’y trouver cette fraîcheur étonnante. Je n’imagine pas que tu aies pu être allongée là, dans le sable, sans avoir ôté tes chaussures, cela ne se peut pas.

Allongé dans le sable, je ne voyais que le sable. Et toi. J’imagine. Je me tournais de côté, je te regardais, je t’admirais. Un vague sourire de joconde illuminait ton visage détendu. Je crois bien que tu dormais, en vrai. C’était l’après-midi, non ? L’heure de la sieste. Je m’asseyais. Prudemment, j’extirpais l’appareil photographique de son étui. Je devais faire attention au sable. Le sable est dangereux pour les mécaniques de précision. Je te visais longuement. Tu ne me prêtais pas attention. Ton sourire de joconde disait que tu t’étais assoupie, et qu’ainsi tu jouissais de l’instant.

Tu gisais, et je visais. Clic. Clac. Merci kodak.

Autour de nous il n’y avait que du vent.

Du sable et du vent. Fermons les yeux : il ne subsiste que le vent. Son insistance. Un souffle permanent, qui nous survole en mugissant. Qui nous effleure à peine. Nous gisions du côté abrité de la dune.

Fermant les yeux, nous n’entendions que la rumeur tumultueuse déclenchée par le vent et les vagues. Allongés comme nous l’étions au creux de la dune, nous aurions pu croire que nous étions dans le désert. Ce n’était pas le cas. Le vent était là pour nous le rappeler. Nous privant de toute notion de silence. D’un côté, assourdi, mais quand même, retentissait le vacarme du ressac. De l’autre côté résonnait sans fin le balayage incessant des branches des hauts pins malmenés par le vent.

Nous gisions sur la dune, et j’avais parfois la sensation que nous étions dans le désert. Dans l’idée que je me faisais du désert. Et puis il suffisait que je me redresse, alors mon regard se perdait au loin, dans l’infini d’une des deux mers. Oui, véritablement : deux mers. A l’ouest, la vraie, l’océan, d’un bleu profond juste troublé par les fils blanchâtres formés par le ressac, et les parties plus claires, là où les vagues enjambent le banc de sable. A l’est, une autre mer, vert sombre celle-ci, s’étendant également à l’infini. La forêt.

Dormais-tu ? Je ne sais. Tu me laissais t’admirer, en tous cas. Je ne me lassais pas de t’admirer, et d’admirer l’illusion d’une conjonction des deux mers, au loin, là où la dune finissait peut-être. Admirer la dune, et t’admirer toi : cette dune serait nôtre. D’ailleurs lorsque, des années plus tard, nous l’avons gravie à nouveau, nous n’étions pas seuls, nos enfants nous accompagnaient, et nous étions contents de leur faire partager notre dune. Mais il y avait d’autres gens, des inconnus, qui divaguaient ça et là, et leur présence sur cette dune tenait de la lèse-majesté. On violait notre dune, était-ce possible ?

Autrefois nous gisions sur la dune. Tu semblais dormir. Et soudain tu te dressais en sursaut. Tu criais, peut-être. Tu frottais convulsivement tes bras nus. Alors je me rendais compte que moi aussi je subissais les morsures. Des dizaines d’insectes s’en prenaient à nous, et nous pinçaient à tout va. Des coccinelles.

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Commentaires
P
Une attaque, n'exagérons rien. Mais sachez qu'elles étaient suffisamment nombreuses pour qu'on les remarque, et qu'on s'en souvienne !
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F
Ah! Phil le romantique et son oeil voilé des embruns du souvenir!<br /> <br /> Une attaque de coccinelles??? Je n'y crois pas ;)
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T
Se faire agresser par une colonie de coccinelles? La photo doit être en couleurs alors!<br /> Et je ne parle pas de la mise aux points! (Sourire!)
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