friche
Derrière chez nous, il y a un terrain. En friche. Un terrain pas très grand, dans un coin duquel gît une ruine. Derrière la ruine il y a le puits. Un puits commun aux quelques maisons du secteur. Dit on puits banal, comme on dit four banal ? Je ne sais pas.
Des fois on voit le puits. C’est quand le propriétaire se décide à débroussailler un peu. Une fois par an, et encore, les années fastes. De préférence après que les ronces, orties et autres plantes indésirables dans les jardins ont bien fleuri.
Je n’en ai pas grand-chose à faire, de ce puits. N’empêche que je suis bien content de le savoir là. C’est comme un droit inestimable qu’on aurait, au cas où, voyez. Le droit de l’eau. Même si je présume qu’elle est nitratée au-delà du raisonnable. Et puis je suis bien content de le voir, le puits. Parfois. Quand ils se décident à débroussailler. Un puits, c’est plus joli qu’un roncier.
Chaque année on se dit que s’ils débroussaillent, c’est pour faire quelque chose du terrain. Alors une légère appréhension nous étreint. Et puis non, rien ne se passe. Les cochonneries repoussent. Jusqu’à l’année suivante. Si elle est faste.
Cette fois-ci pourtant, il semble que les choses doivent évoluer. Olivier a dit que le terrain était vendu. Olivier sait tout. Nous avons vu des gens prendre des mesures, un jour. Et puis il y a d’étranges tas de cailloux dressés ici ou là, qui émergent de la jungle revenue. Les gens ont dit bonjour, ils ont souri. Ils ont l’air gentil, a dit Elle. Tant mieux.
Tout porte à croire qu’un jour ils vont faire construire, ces gens qui ont l’air gentil. Mais le terrain n’est pas très grand. Alors je frémis à l’idée que, de ma place dans la cuisine lorsque je petitdéjeune, je verrai leur maison au lieu de la verdure à laquelle je suis accoutumé.
Le terrain est petit, alors la maison sera petite, certainement. Une maisonnette, comme celles qui jaillissent à qui mieux mieux hors de terre autour des villages. Une maison de lotissement ? Une maison de schtroumpf, comme dit mon ami M. ? Misère.