bidon
Nous avions acheté du rosé chez le marchand de vin à côté de chez Falgas.
En fait, plus exactement, nous voulions acheter du rosé. Nous l’avions goûté. Il serait parfait pour accompagner les litanies de melon/jambon et autres douceur qui feraient notre ordinaire pour ce mois de vacances.
Sauf que nous n’avions rien pour le transporter. Mais pas d’affolement, chez Falgas on trouve de tout. C’est la vraie quincaillerie de campagne, un dédale de rayons étroits et poussiéreux qui s’étendent sur plusieurs étages, avec des recoins sombres, et du bazar pas rangé qui encombre le ciment brut du sol.
Forcément ils avaient des bidons.
Le vendeur m’en dénicha deux en plastique blanc presque translucide, du genre jerrican. (bon sang, si un jour je tombe sur un tirage avec ces lettres-là, au scrabble, je ne sais pas si je penserai à former le mot) (ça n’a rien à voir avec mon sujet, mais j’y pense, au mot, en direct live au moment où je le vois s’écrire sur l’écran plat de mon ordi, et que Word n’a même pas l’outrecuidance de le souligner de rouge. Un peu surpris, je suis.).
Bon. Revenons-en à mes bidons. Disons le tout net, j’en ignorais la contenance, que le fabriquant n’avait pas pris la peine d’indiquer en relief, comme ça se fait d’habitude, par exemple pour les arrosoirs. Le type a bien dû me dire tout ce qu’il y avait à dire. Mais en espagnol… A vue de nez, on pouvait mettre facilement dix, voire douze litres de rosé dans chaque récipient. Il y en avait deux ? J’ai pris les deux. Au prix où ils étaient, modique, ça ne valait pas la peine de se priver (je n’avais pas encore réfléchi à comment ils logeraient dans le coffre de la golf, avec les bagages et tout le reste, lorsque je reviendrais les faire remplir à la fin des vacances). Je ne vous dirai pas combien, j’ai oublié ce détail trivial. De toute façon, c’était des prix en pesetas.
J’ai sorti une liasse de billets sales de ma poche, j’ai payé et j’ai dit adios. Puis je suis sorti dans le soleil avec mes bidons, un à chaque main. Pour entrer aussitôt dans le local voisin, une sorte de hangar plutôt qu’un magasin, où m’attendait Jacky dans une douce odeur de vinasse répandue par terre. Nous avons fait remplir les bidons. Non sans avoir goûté le rosé une seconde fois. Et vous allez rire, mais le prix modique que le négociant nous demanda (en pesetas, oui) était encore plus ridicule que ce que j’avais payé chez Falgas. Mes bidons pas chers étaient plus chers que leur contenu. Un comble.