chartres
Coïncidence. Etrange, sans doute, mais c’est le lot commun des coïncidences. Tandis que le carnet vert s’apprête à publier un article où il est question de la cathédrale de Chartres, je roule précisément vers cette même ville afin de participer à des réjouissances nuptiales.
Cela me vient comme un flash (l’idée de cette coïncidence), au moment où, conduisant, je prends conscience de la présence des flèches de la cathédrale, d’un gris plombé tranchant sur la pâleur d’un lointain monotone et battu par le vent. Les voyait-on plus tôt ? Je n’en sais rien. J’étais accaparé par ma conduite et je ne prêtais guère attention au paysage. C’est le problème, lorsqu’on voyage autrement qu’à pied, on ne sait jamais à quel moment exactement les choses apparaissent à l’horizon.
Découpent l’horizon de silhouettes caractéristiques.
Colorées de gris plombé, ainsi que le veut généralement leur statut de silhouettes.
Je sens mon exaltation monter. Voir la cathédrale de Chartres surnager au-dessus d’un océan céréalier, ou en l’occurrence sur des terres déjà moissonnées, c’est comme voir la mer au détour d’un virage, c’est comme voir le Pic Saint-Loup se dresser au-dessus de la garrigue, c’est grandiose, c’est magique.
Je suis légèrement consterné néanmoins. C’est que les flèches de la cathédrale ne sont pas seules, ne sont plus seules, à découper l’horizon en ombres chinoises, elles sont maintenant accompagnées de grues et d’un ou deux immeubles parallélépipédiques. Ce que je vois, de là où je suis. Ce qui est un point de vue mouvant puisque je roule. Les choses ne vont pas en s’arrangeant.
Autrefois, nous n’arrivions pas par-là. Peut-être ces immeubles existaient-ils déjà mais que, l’angle de vue étant différent, ils ne nuisaient pas à la beauté. Peut-être. Je dis ça comme si j’avais eu pour habitude d’arriver à Chartres. Mais non : j’y suis effectivement venu deux fois à pied dans un passé lointain, ce qui est à mon avis une expérience qui vaut d’avoir été vécue. Et quelques fois en voiture, mais depuis la direction opposée, ayant eu le bonheur de faire une partie de mon service militaire à quelques dizaines de kilomètres de là, aux confins du Perche. C’est vieux, tout ça.
Qui dit service militaire, dit permissions de sortie, et dit par conséquent sorties vespérales et tournées générales. Comme je me rendais à la caserne avec ma vieille 204 bleue, je pouvais facilement convoyer quelques condisciples le soir venu vers un quelconque lieu de perdition. Rassurons nous, je n’abusai jamais de cette faculté.
Présentement, je viens de laisser la voiture dans un parking payant proche de la mairie (puisque nous sommes invités à un mariage). Nous avons un peu plus d’une heure à tuer avant le début de la cérémonie, nous en profitons donc pour déambuler dans les rues commerçantes du centre ville.
Je suis surpris.
Agréablement, parce que ce sont de jolies rues, bien animées et qu’il fait globalement beau.
Désagréablement aussi. Enfin non, le mot est trop fort. Disons que je me sens déstabilisé : cette ville pas très grande, que j’ai fréquentée autrefois, je n’en reconnais strictement rien. A se demander si je ne me suis pas inventé un passé. En fait, nous n’avons présentement pas le temps d’aller musarder près de la cathédrale, qui justifiait à elle seule les déplacements d’antan, aux dépens de la ville elle-même. Quant aux quelques sorties des temps militaires, j’en conclus qu’elles trouvaient place dans un quartier plus où moins périphérique où devaient abonder les débits de boisson. Près de la gare, peut-être ?