diabolo menthe
On commençait par entendre le bruit. Un tintamarre indescriptible provoqué par secousses et vibrations, auquel s’ajoutait le grincement des essieux sur les rails, dans le virage. Alors je tendais le cou vers la sortie de la verrière et je le voyais arriver en brimbalant. On me tenait fermement par la main afin que je ne m’approche pas trop près du bord du quai. J’aurais pu tomber sur la voie au moment fatidique, qui sait.
Nous n’habitions pas très loin de la ville, mais nous n’y venions pas souvent. Nous descendions du train à la gare d’Austerlitz, et nous prenions un bref dédale de couloirs sales pour monter à la station de métro de la ligne 5. A cet endroit, cette ligne est aérienne. C’est donc là, sous la verrière sombre que je guettais avec impatience l’entrée de ce vieux métro aux sièges de bois. Certaines voitures étaient vertes, d’autres rouges, selon qu’il s’agissait de première classe ou de seconde. Je crois que nous montions dans les wagons verts, mais je n’en suis plus très sûr.
Je ne saurais expliquer pourquoi c’était ainsi, mais pour l’enfant que j’étais, ces wagons verts et bruyants, c’était du plaisir, un plaisir presque équivalent à celui d’un diabolo menthe, c’est dire. Le paroxysme en était l’instant où je voyais le métro émerger en haut de l’espèce de dos d’âne que décrit la voie à l’endroit où elle franchit le fleuve. Je l’entendais d’abord crisser et grincer, encore invisible dans le virage du quai de la Rapée, puis il apparaissait sur le pont. Un doux frisson me parcourait alors l’échine jusqu’à ce que le convoi s’arrête devant nous en soupirant.