farniente
J’ai envie d’être déjà en été.
Pas que le temps passe vite, je ne suis plus à l’âge où on a envie de vieillir.
Ce n’est même pas l’idée en soi de l’été qui m’obsède, non.
C’est juste du farniente, qu’il me faut.
Poser mes valises, comme on dit, m’allonger quelque part.
Me laisser gagner par la paix.
Comme j’écris ça, je me revois, une poignée d’années en arrière.
C’était l’été, les jours chauds de juillet.
Il y a un flottement brumeux dans ma mémoire, qui raccourcit les espaces de temps.
Je gisais, détendu, dans la pénombre de la chambre, à l’heure de la sieste. La fenêtre était ouverte sur la rumeur paresseuse de la ville. Un soleil voilé s’insinuait dans les interstices des volets. Je me laissais engloutir peu à peu dans une sorte de cocon hors du temps.
Et puis l’instant d’après, il me semble, mais je sais bien objectivement que c’était un autre jour, je gisais de nouveau, cette fois sur des galets. Oui de rudes galets gris, sur une plage picarde, et qui me semblaient doux, qui m’engloutissaient eux aussi alors que progressivement je me détendais. Il n’y avait là que le voisinage du vent et le clapotis de l’eau en contrebas, que ces bruits-là. Et parfois le pas de quelqu’un faisant sonner les galets. Ou encore la scansion lointaine d’un bateau à moteur.
Je gisais, détendu, et je faisais corps avec l’immensité de la baie.
Je me nourrissais de vent, de murmure et de soleil. Puis, rassasié, je me redressais. Je jouissais de ma situation, assis tout au bout du bout de la pointe du Hourdel, comme sur une étrave fendant l’horizon.
La paix m’avait conquis.
Satisfait, je quittais les galets et cheminais à présent dans l’herbe rase. Un panneau indiquait qu’une colonie de phoques vivait dans les parages. Je scrutais le lointain et n’en apercevais aucun. Aucune importance, j’allais en paix.