veilleur de nuit
En passant devant Notre-Dame, le livre de pierre, j’ai croisé une jeune femme qui poussait une voiture d’enfant. L’enfant, une fillette d’environ un an, mordillait un biscuit et n’avait pas l’air perturbée par les cahots engendrés par les pavés de la place.
Cette vision m’a projeté bien des années dans le passé. Fille n°2 avait alors cinq ou six mois. Nous étions pour une semaine dans un hôtel perdu sur un ballon alsacien, et qui était devenu végétarien depuis que je l’avais connu quelques années plus tôt. Je passerai sur mon désappointement gastronomique, là n’est pas mon sujet. Il se trouve que bon nombre de pensionnaires de l’hôtel étaient de doux écolos illuminés, tendance légèrement intégriste, et passablement influencés par l’astrologie et ce genre de choses. Ceci pour planter l’ambiance.
Un soir il avait été question d’aller suivre la tournée du veilleur de nuit de Turckheim, à une vingtaine de kilomètres, ce qui représentait une attraction touristique très prisée. C’était une bonne idée, ainsi pourrais-je retrouver quelques souvenirs dans ce village que j’avais fréquenté enfant. Nous voilà donc entrain de nous enfourner dans la 4L, avec la poussette pliante dans le coffre.
Arrivés sur place, nous nous sommes joints au cortège déjà nombreux qui suivait le veilleur de nuit, et ce faisant nous menions allègrement notre poussette sur les pavés des rues. C’est alors qu’une des dames écolo qui nous accompagnait s’est précipitée, horrifiée, pour prendre notre enfant dans le refuge apaisant (soi-disant) de ses bras. Vous ne vous rendez pas compte, s’écriait-elle, le cerveau de la petite risque d’être choqué à cause des cahots. Mais bien sur. L’enfant, quant à elle, hurlait. Choquée non pas par le décrochement de sa cervelle mais parce qu’elle se retrouvait soudain dans des bras inconnus.