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le carnet vert
13 juin 2006

coupe de bois

Depuis la dernière fois l’herbe avait énormément poussé, on devinait à peine l’entrée chemin s’enfonçant dans le sous-bois. Il fallait même être attentif pour ne pas la louper. J’entendais les hautes herbes fouetter le châssis de la vieille voiture rouge.

Nous nous étions entassés à trois dans la poussive guimbarde. Dans le coffre nous avions rangé les tronçonneuses, la masse et les coins d’acier, un bidon d’essence, des vieux journaux, une serpe et divers autres accessoires, sans oublier les gants de manutention. L’habitacle sentait le chien, il fallait aérer.

Derrière nous la végétation effaçait aussitôt les traces de notre passage. Je me prenais à rêver de quelque sombre forêt équatoriale.

Depuis la dernière fois la clairière avait été agrandie. Il y avait forcément un plus grand nombre de tas de bûches. Un arbre gisait à terre, déjà découpé en tronçons. Il restait à fendre les plus gros morceaux, et à empiler le tout. Et à brûler les menus branchages.

J’ai eu le sentiment que nous étions hors du monde, que la forêt nous avait ménagé une bulle étanche en la présence de cette clairière. D’ailleurs je le savais, en cet endroit proche de la rivière, en bas du coteau, les téléphones portables ne captaient pas.

Déjà avant que nous nous mettions à l’ouvrage le silence n’existait pas. Merles et tourterelles masquaient de leur ramage le fracas des eaux noires du cours d’eau s’acharnant sur les masses de granite.

J’ai ôté mon pull, je l’ai posé sur une pile de bûches. En allant me frayer un passage dans les broussailles voisines afin d’y récupérer les morceaux du sommet de l’arbre, je passai près d’une souche assez petite. Celle d’un arbre récemment abattu. Sa surface était encore, comment dire, lumineuse, elle n’avait pas encore viré à ce gris triste causé par l’exposition aux intempéries. Qu’avait-elle de spécial, cette souche ? Rien, assurément. Sauf qu’elle était légèrement humide en surface, il avait plu récemment, et que des taches plus sombres en son cœur montraient que la sève en sourdait encore. Et cela dégageait un parfum puissant, incomparable, semblable à celui qu’on reconnaît parfois à l’approche des scieries lorsqu’on y arrose copieusement les empilements de planchers pour conjurer les méfaits d’une atmosphère sèche.

Bientôt le mugissement de la tronçonneuse a envahi l’espace, ponctué tantôt par les coups mats du merlin sur les billons, tantôt par l’éclat métallique de la masse sur les coins d’acier insérés dans les fentes du bois.

Bientôt, de loin en loin, les copeaux ont maculé le sol, tandis qu’une nouvelle odeur apparaissait, plus acide, celle du bois vif mais non gorgé de sève ni d’humidité. Pour qui, comme moi, aime le bois, c’était une fête pour les narines.

Bientôt on a dressé un bûcher avec les branches inutilisables et les arbustes décimés lors de l’abattage. On y a glissé quelques feuilles de journal, on l’a arrosé de pétrole, on a gratté une allumette.

Bientôt l’orchestre olfactif s’est enrichi d’un nouvel élément : un grand feu clair a crépité, qu’on a encore nourri de branchages, et de loin, levant la tête et m’essuyant le front je voyais avec ravissement de belles volutes de fumée bleue s’élever vers la cime des grands chênes restés debout.

Bientôt mes bras, mes épaules, mon dos furent douloureux. Mais cette douleur n’était rien comparée au plaisir d’être dans le bois, de manipuler le bois, de se repaître de l’odeur du bois.

Bien plus tard dans la journée, alors que j’avais changé de vêtements et que je m’étais douché, Elle me disait encore que je sentais le bois.

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Commentaires
S
Pascal -placebo : tu me fais rire ! ;-)
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P
C'est une belle journée qui s'annonce, le soleil pointe derrière la montage, et je pars en randon... euh non au boulot, voué voué voué voué.<br /> Bonne journée, bizzzz
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E
Belle balade où tu nous emmènes... C'est bizarre, voir couper un arbre me fait toujours mal au coeur, alors que j'adore l'odeur du bois coupé, et que je suis bien contente de le voir flamber dans une cheminée...
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P
Non, non Syl, c'était juste au cas ou...<br /> J'ai fait ça partout aujourd'hui !<br /> <br /> Ami-calmant<br /> <br /> P@sc@l - "placebo"
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P
c'est vrai qu'il vaut mieux parfois ne pas avoir l'odorat sensible.<br /> :-)
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